En janvier 2012, dans Rue89Lyon

En janvier 2012, j’étais interviewé par Rue89Lyon. Y’en a du chemin parcouru depuis… Mais c’est marrant de relire les réponses des années après. En bonus, sous l’article, vous pouvez lire 3 vieux textes. L’un extrait de la revue Némésis dont j’animais l’association avec d’autres, les deux autres tirés de « Identité M.C. » mon premier spectacle (2011) écrit, mis en scène, joué, flyé, dossier de commé, mais jamais rejoué.

Lire l’article ici.

Ashraf Fayad, un extrait de « Instructions, à l’intérieur »

« Nous sommes des comédiens non rétribués
Notre rôle… rester debout, nus comme notre
mère nous a mis au monde. Comme la terre
nous a mis au monde. Comme nous ont enfantés
les bulletins d’informations, les rapports
volumineux, les villages attenant aux colonies de
peuplement et les clés que mon grand-père garde encore.
Pauvre grand-père ! Il ne sait pas que les serrures ont été changées.
Malédiction, ô grand-père, ces portes qui
s’ouvrent avec des cartes magnétiques, ces eaux
de drainage qui passent près de ta tombe.
Malédiction, ce ciel fermé à la pluie.
Qu’à cela ne tienne ! Tes os ne peuvent pas
pousser dans le sable. Le sable est donc de
nouveau la cause de notre sous-développement.
Grand-père ! Je me présenterai à ta place au jour
du Jugement dernier car mes parties intimes ne
sont pas inconnues des caméras.
Sera-t-il permis de filmer le jour du Jugement dernier ? »

Ashraf Fayad, Instructions, à l’intérieur, poèmes traduits de l’arabe par Abdellatif Laâbi, Le Temps des Cerises éditeurs, 2015.

La 4e de couverture :
Né à Gaza en 1980, Ahsraf Fayad est un poète et artiste palestinien qui vit en Arabie Saoudite. Il a d’ailleurs représenté ce pays lors de la Biennale de Venise en 2013.
Des extrémistes religieux l’ayant accusé d’avoir écrit des poèmes athées, il a été condamné à mort, le 17 novembre 2015.
Une campagne internationale s’est engagée en sa faveur. Et le 2 février 2016, la Cour d’appel a décidé de commuer la peine capitale en huit ans de prison et huit cent coups de fouet.
L’action se poursuit pour que soit libéré Ashraf Fayad.

En savoir plus :
– note de lecture de Claude Vercey : I.D. n°628 : Faire du coeur un dieu
– article publié par BibliObs
Ashraf Fayad : 800 coups de fouet pour un poème

04/04/2016 « Light Spirit » / Cie des Lumas

Retrouvez-moi lundi 4 avril dans le spectacle « Light Spirit » de la compagnie des Lumas à la médiathèque B612 à Saint-Genis Laval (69) dans le cadre du festival « Paroles, Paroles ».

Une création théâtrale et musicale autour de l’esprit des Lumières qu’Eric Massé et son équipe déclinent en deux formes courtes :

– Battle de Slam et de Lumières qui s’attache à certaines définitions du Dictionnaire philosophique de Voltaire mises en abîme par la verve du slameur Emanuel Campo. Elle nous confronte avec insolence à des problématiques sociétales actuelles : montée des extrêmes politiques et des fondamentalismes religieux, abus de pouvoir… Elle se déploie entre textes et chansons, en un jeu où l’esprit, le bon mot joue un rôle essentiel. Que ce soit celui des salons d’hier ou celui des plateaux télé d’aujourd’hui, il devient une arme redoutable, et, l’espace de jeu : un champ de bataille.

– Entre-sorts : les artistes de la Battle s’attaque à Sade : il y est question de l’héritage de l’auteur en chacun de nous, et, de pouvoir, qu’il soit politique comme érotique. Lors de ces performances intimistes et joyeusement provocantes, les artistes investissent en parole et en musique des espaces inattendus, et, le public déambule d’une proposition à l’autre.

Découvrir le dossier du spectacle.
http://www.cie-lumas.fr/
http://www.la-mouche.fr/

Distribution
Conception : Eric Massé
Écriture: Voltaire, Sade, Emanuel Campo et Éric Massé
Musique : Julie Binot
Jeu : Céline Déridet, Emanuel Campo et Julie Binot
Production : Compagnie des Lumas, La Fête à Voltaire, ville de Ferney-Voltaire (01)
La Compagnie des Lumas est en convention triennale avec la Drac Rhône-Alpes, la Région Rhône-Alpes et la Ville de Saint-Etienne. Elle est soutenue par le Conseil Général de la Loire

En quoi ça consiste

Tard. En voiture. Mon fils à l’arrière. Nous revenons de chez le pédiatre. Décembre est enfin arrivé en ce soir de janvier avec son lot d’angines, d’otites et de gastros.

J’allume la radio et reconnais à la première note le morceau « C.R.E.A.M. » du Wu-Tang Clan que je n’avais pas entendu depuis des mois. Instantanément, mes yeux
bloquent

sur la vapeur ou la fumée peu importe
émanant de la plaque d’égout sur laquelle je m’apprête à rouler.

La vapeur ou la fumée peu importe
comme dans les clips, les films ou les cigarettes.

A cet instant,
précisément,
mon extérieur disparaît.

Ne reste plus que la musique jouée à la radio et la vapeur ou la fumée peu importe
émanant de cette plaque d’égout.
Les clips, les films, les cigarettes et mes fantasmes new yorkais
puis je
me trouve aussitôt transporté
13 ans en arrière
baggy, écouteurs, capuche, solitude en écharpe
déambulant de nuit dans la rue noire de médiocrité
d’une authentique ville moyenne
à l’architecture arythmique

loin des territoires qui font l’actu
loin des bureaux qui forment l’opinion
loin dans la vapeur, le givre et la fumée
les arbres maigres qui poussent péniblement
dans le sable des trottoirs
merdes écrasées
le bruit lointain d’une fête en centre-ville
mêlé au grondement d’un train de marchandises passant tout prêt
la brume sonore d’un quartier dortoir ponctué de temps à autre d’un toussotement craché depuis le square
un bus de nuit
le ticket fera le filtre
une dame sort le caniche
pisse contre l’Algeco d’un chantier
champs à l’horizon derrière le périph’
les bulbes des jonquilles attendent leur tour
sous un carré de terre au centre d’un rond-point
qui ne voit qu’un seul côté des voitures
le prix de la baguette commence son ascension de la Tour Eiffel
me voilà en plein dedans et je me revois
jeune adulte au début de « ces années 2000 »
gadget tout neuf
que certains ont attendu avec impatience sortir de leur téléviseur
et que d’autres ne comprennent toujours pas en quoi ça consiste.

_ _

E.C.

 

Chronique de « Maison » sur Poezibao

Samedi 19 mars.
Nous sommes dans le train en direction de Toulouse pour y donner un concert.
Mon partner me tend son I-Phone.
« Tiens, regarde. »

Sur son fil d’actualité Facebook, je découvre une note de lecture de mon recueil Maison – Poésies domestiques écrite pour le site Poezibao (actualité de la poésie contemporaine) et signée  Jean-Pascal Dubost. De quoi me mettre en joie pour les jours suivants. Un grand merci à lui pour cet article qui témoigne d’une lecture approfondie du recueil.

La Boucherie littéraire est une toute nouvelle maison d’édition de poésie, sise dans le Luberon, qui vient de publier une salve de quatre poètes1, ce qu’il faut saluer, car il n’est pas que des disparitions à déplorer, dans le milieu de la poésie, mais aussi et surtout des créations à soutenir. D’autant saluer, cette généreuse entreprise, qu’elle prend le risque de publier le premier livre d’un jeune poète de 32 ans, Emanuel Campo, Français et Suédois, poète pluri-disciplinaire (performer, interprète, musicien, scène théâtrale, spoken word etc.) Il est entendu que la jeunesse ne fait pas la qualité d’un livre, n’est pas Rimbaud n’importe quel quidam au prétexte d’une jeunesse d’artères. Il se trouve que la jeunesse de ce poète apporte une bouffée d’insolence à la poésie, ce qu’il faut signaler. Les poèmes, contrairement à ce que supposerait le sous-titre, n’appartiennent pas à une poésie du quotidien, au sens d’un relevé des faits du quotidien, sur le mode réaliste et neutre, ou néo-réaliste. Si la poésie d’Emanuel Campo est de quelque lignée, nous pourrions citer Tristan Corbière, Roger Lahu, Richard Brautigan, Charles Bukowski et Ian Monk, sur le registre de l’humour tantôt, à tonalité d’auto-dérision. Titre et sous-titre en eux-mêmes ouvrent la porte sur l’humour, un humour tautologique, pour leur cas, puisque le mot « domestique » est, étymologiquement, domesticus, « de la maison », autrement dit lire : « Maison, poésies de la maison », donc. Petite entrée en la matière d’humour, subtilement. Sur ce registre, Emanuel Campo nous ouvre la porte de sa maison, tantôt en rire jaune (Corbière), tantôt en humour décalé décapant presque absurde (Brautigan et Lahu), tantôt en humour noir (Bukowski), humour cruel quelques fois (Ian Monk). La patte de Campo, la personnalité d’écriture sienne, est l’assimilation des pères et phares qui font la sienne, insolente. Pas de grandes révélations sur le monde, on le sait rapidement, dès le deuxième poème :

« Quand j’étais petit,
je croyais que la bande de Gaza
c’était un groupe de rock. »

C’est affiché et clair, le monde est loin, même s’il est dans tous les gestes quotidiens, il est mis à distance par la dérision la plus totale comme dans le poème « Petit  pot, couches et discussion à propos d’économie », où après avoir effectué un tour de planète en l’espace de quelques gestes de la vie domestique :

« et maintenant mon enfant,
que vas-tu faire de toute cette mondialisation qui arrive aux portes de ta bouche ?
À mon fils de 11 mois de répondre :
― Perso, j’en sais rien. Sûrement tout manger. Pose plutôt la question aux fabricants de couches qui tirent profit de toute cette merde. »

Le sarcasme n’épargne personne, pas même l’interlocutrice des poèmes, compagne fictive ou réelle :

« Tu me dis que tu aimes bien la poésie.
En particulier ces courts poèmes japonais
Les sudokus.

Il y a de tout pour ne pas faire un monde, un macrocosme, du sudoku, donc, mais aussi du MMS, SMS, de la pub pour une revue de poésie, un atelier d’écriture, un flash mob, du streaming, du spasfon, des choses qu’on ne trouve pas a priori dans la poésie des poètes du grand vingtième, choses de la vie quotidienne, choses de la vie ordinaire, qui ne font pas rêver, d’un jeune homme sans illusions sur le monde et qui se rattrape en y mêlant des piments humours.
La poésie, dans son extrême-contemporanéité ambiguë, n’est pas épargnée : « Je viens de rentrer d’une lecture/ça manquait de poil/une lecture organisée par une revue de poésie/ça manquait de poil/c’était marqué PERFORMANCE/ça manquait de poil/alors qu’il s’agissait d’une simple lecture qui/manquait de poil etc. »

La platitude est la rampe de lancement des poèmes afin qu’ils décollent, exercice toujours périlleux, de faire poème avec le plat pays qu’est le quotidien domestique. C’est réussi. On sourit. Le tour de force est réussi quand on sourit où ce n’est pas drôle, comme Pierre Desproges savait nous faire rire jaune avec des choses graves. Parfois, on cherche le drôle pour sourire, et on ne le trouve pas, le poème semble tomber à plat, or ce sont les petites incartades de gravité glissées comme peau de bananes verbales.
Poésie insolente, tonique, qui vous fiche une saine petite claque.

Jean-Pascal Dubost

1 En dehors de l’ouvrage ici recensé :
Hélène Dassavray, On ne connaît jamais la distance exacte entre soi et la rive
Mireille Disdero, Ecrits sans papiers. Pour la route entre Marrakesh et Marseille
Thomas Vinau, p(H)ommes de terre

Consulter l’article sur le site Poezibao.
En savoir plus sur l’auteur de l’article.

22/03/16 : Mardi de la poésie

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J’aurai dans le sac des exemplaires de mon recueil « Maison. Poésies domestiques » (éd. la Boucherie Littéraire)

Réservation conseillée par tél 04 76 03 16 38 ou mail et plus d’info ici : http://www.maisondelapoesierhonealpes.com/

« Demande à la poussière » John Fante

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Mon passage préféré du livre :

« Je les vois tituber à la sortie de leurs palais du cinéma, même qu’ensuite ils clignent leurs yeux vides pour affronter de nouveau la réalité ; ils rentrent chez eux encore tout hébétés et ils lisent le Times pour voir ce qui se passe dans le monde. J’ai vomi à lire leurs journaux, j’ai lu leur littérature, observé leur leurs coutumes, mangé leur nourriture, désiré leurs femmes, visité leurs musées. Mais je suis pauvre et mon nom se termine par une voyelle, alors ils me haïssent, moi et mon père et le père de mon père, et ils n’aimeraient rien tant que de me faire la peau et m’humilier encore, mais à présent ils sont vieux, en train de crever au soleil au milieu de la rue, en pleine chaleur, en pleine poussière, tandis que moi je suis jeune, plein d’espoir et d’amour pour mon pays et mon époque ; alors quand je te traite de métèque ce n’est pas mon cœur qui parle mais cette vieille blessure qui m’élance encore, et j’ai honte de cette chose terrible que je t’ai faite, tu peux pas savoir. »

Demande à la poussière, John Fante, 1939, 1980.
Traduit de l’américain par Philippe Garnier, Christian Bourgois éditeur, 1986.

« Maison » à la librairie la Voie aux chapitres à Lyon

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Mon recueil Maison. Poésies domestiques est en vitrine à la librairie la Voie aux chapitres à Lyon…

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…au côté de deux autres livres des éditions la Boucherie littéraire que j’affectionne tout particulièrement p(H)ommes de terre de René Lovy & Thomas Vinau et un peu plus loin On ne connaît jamais la distance exacte entre soi et la rive d’Hélène Dassavray.

Le rayon poésie de la librairie la Voie aux chapitres est riche et régulièrement renouvelé. De nombreux événements y sont organisés. Je vous conseille vivement d’y faire un tour.

Le site de la librairie : www.lavoieauxchapitres.fr/
Le site des éditions : http://laboucherielitteraire.eklablog.fr/

Sortie de résidence avec ilimitrof CPG

Je viens de passer deux semaines en résidence avec Ilimitrof CPG au Citron jaune (CNAR) à Port-Saint-Louis-du-Rhône (13) pour participer en tant qu’auteur et comédien à la création de « Ces petits actes qui nous engagent »,  parcours-action franco-chinois asymétrique en espace public.

Chantier public ce samedi 20 février à 16h.  Plus d’info ici.

Conception dramaturgique, mise en scène et en actes : Bertrand Dessane

Conception et scénographie: Némo

Création musicale et interprétation musicale: Pierrem Thinet

Ecriture et jeu:  Emanuel Campo

Danse: Sijia Chen

Débriefing

00:00 je tiens mes feuilles de la main droite et le micro de la main gauche
00:01 je débute par la lettre « L »
00:02 je me dandine
00:03 ce qui me fait lâcher le micro
00:05 je fais mine de tousser
00:07 je répète la lettre « L »
00:09 puis cherche des variations mais enchaine vite sur « LEM »
00:14 fais mine de me prendre la tête alors que tout est écrit sur ma feuille
00:19 premier rictus qu’on retrouvera plusieurs fois par la suite
00:27 refais mine de tousser puis me tiens le ventre pour mieux mentir
00:32 agite la main par peur que l’auditoire ne saisisse pas le rythme
00:41 quelques bégaiements moyennement interprétés puis une première phrase compréhensible
00:49 fin de la première feuille dix autres suivent
00:55 je fais le robot et accélère mon débit
00:58 le caméraman sent mon jeu et déroule un long zoom
01:02 on entend mon amie Caroline faire « Wou ! »
01:10 léger haussement des sourcils
01:16 satisfait par mon effet
01:17 suis fatigué après cette accélération, content de moi à l’intérieur
01:22 référence à Aimé Césaire « j’habite une blessure sacrée… »
01:26 s’en vient un simulacre de poésie sonore, mascarade pas suffisamment incarnée
01:28 froncements des sourcils l’instant est grave
01:41 l’œil gauche souligne
01:51 lève les yeux vers le public car très fier de mon enchaînement « maizil mais îles du pacifique »
01:58 oui il y a de l’espoir
02:04 je me dandine une fois encore
02:17 là je m’éclate et prends du plaisir
02:30 je bute sur une syllabe à cet instant je me déteste
02:43 mais continue à m’éclater
02:53 ferme les yeux mais pas assez longtemps pour y croire
03:31 ne sais pas si on m’écoute pense à plein de choses et sors complètement de ma lecture jusqu’à 03:56
03:57 change de ton, histoire de choper le public et accélère peu à peu
04:09 connivence avec le cadreur qui me suit en dézoomant
04:16 je fléchis presque à chaque fois que je dis « monde »
04:40 ma voix est trop haute, je ne l’ancre plus et me laisse emballer par l’énergie
04:47 effet d’annonce, simulation de plaisir, auto plébiscite
04:48 rires du public et cabotinage stand-up de ma part
04:54 reprends ma lecture avec ce texte écrit à la manière de « Prendre corps » de Ghérasim Luca
05:04 ne comprends pas pourquoi les gens rient à « je te gaz carbonique » mais poursuis et conclus à 05:26

Note d’un lecteur attentif

Mon éditeur a reçu une note de lecture concernant mon recueil Maison. Poésies Domestiques de la part d’un lecteur attentif, Patrick Joquel, que je ne connaissais pas avant de lire ceci :

Des poésies domestiques, alors il en existerait des sauvages, des qui résisteraient à l’apprivoisement, des à capturer au lasso, à piéger, flécher… Entrer dans cette maison, celle qu’habite Emanuel Campo, c’est aller de flèche en flèche : le regard suit un parcours du quotidien. Celui qu’on a tendance à traiter de banal et dont on dit « rien de neuf, tout pareil, jamais rien ne se passe ». Sauf que ce rien est déjà quelque chose. Ce rien signe une vie. Une vie qui marque (infime) la planète. Une vie qui se reproduit. Qui échange. Qui… une vie, nos vies que l’on partage.
Des poèmes au jour le jour qui jettent un regard amusé sur quelques instants, quelques moments, quelques pensées.
Histoire de vivre sérieusement sans se prendre au sérieux.

Patrick Joquel

www.patrick-joquel.com

« Histoire de vivre sérieusement sans se prendre au sérieux » j’aime beaucoup. Merci à vous. Au plaisir d’en parler de vive voix. Le lien vers l’article ici.

 

Mail aux gars de mon groupe

Les gars,
pourquoi ne pas nous retrouver une fois par mois
chez l’un d’entre nous
pour une soirée disque ?

L’hôte devra choisir un album qu’il souhaiterait faire découvrir au reste du groupe
puis nous l’écouterions d’un bout à l’autre
sans parler
confortablement assis
avec la permission de fermer les yeux ou remuer la tête.

Il faudra éviter tout bruit de table ou ingestion de nourriture croquante du type chips.

Je recommande que nous investissions chacun – si ce n’est pas déjà fait – dans une installation haute-fidélité afin d’offrir aux invités le meilleur son possible.

Ce n’est qu’après l’écoute qu’il nous sera permis de parler et d’échanger à propos du disque.
Il s’agira de prendre plaisir à parler du mixage, des paroles, de la composition, des musiciens, des featuring
C’est pas une idée géniale ?
Qu’en pensez-vous ?
Si vous êtes d’accords, je vous propose de nous retrouver chez moi lundi prochain pour une première séance. Disons 21h si vous souhaitez manger chez vous avant.

Il me tarde de parler musique avec vous.

_ _

E.C.

Toujours en train de racler

toujours en train de racler
le fond des pochettes
à la recherche d’une boucle bouclée
toujours

toujours en train de racler
les semelles asiatiques
à l’arrêt de bus
le ticket à deux minutes de sa limite de validité

en train de racler sous les ongles des enfants
c’est dingue la crasse
qu’ils se trimbalent aux bouts des doigts
c’est sale comme un nombril
sale
comme la barre dans la rame du métro

toujours en train
de racler les parois crâniennes
des années à chercher
l’aboutissement
la formule
la serrure de la justesse

phrase déclinée à l’infini selon les situations
toujours en train de racler la conserve
toujours en train de racler le balcon
toujours en train de racler la confiture
toujours en train de racler le terrain
toujours en train de racler la gencive
toujours en train de gratter un baiser ou deux
toujours en train de racler le carnet à la quête d’une chanson
toujours en train de racler comment ça va ?
toujours en train de racler
toujours en train de racler architecte

toujours en train de racler
bordel
cette phrase dont le sens
se blotti loin devant
quelque part

phrase supernova
suspendue
ère dans la pénombre

à l’affût

_ _

E.C.

« Donne-moi un jour » de PapierBruit

Content de vous annoncer la mise en ligne du dernier morceau de mon groupe.

Écrit, composé et interprété par PapierBruit.
Texte : Eskimo J et Printemps 2004.
Musique : Mamoot alias « Cdrick Rubin »
« Donne-moi un jour » contient un extrait sonore du poème « Passionnément » de Ghérasim Luca.
Enregistrement, mixage et mastering par Jérome Donzel alias Bonetrips au Studio Polycarpe, Lyon.

http://www.papierbruit.com

Maram al-Masri « Elle va nue, la liberté »

Deux extraits de ce livre utile et beau :

2

Une femme se plaint devant le sultan ;

ses soldats ont volé son bétail

pendant son sommeil.

Le sultan lui dit :

Vous devez garder vos troupeaux

et ne pas dormir.

Elle lui répond :

J’ai pensé que vous veilliez sur nous, altesse…

Alors j’ai dormi.

5

L’avez-vous vu ?

Il portait son enfant dans ses bras

et il avançait d’un pas magistral

la tête haute, le dos droit…

Comme l’enfant aurait été heureux et fier

d’être ainsi porté dans les bras de son père…

Si seulement il avait été

vivant.

Maram al-Masri, Elle va nue, la liberté, Éditions Bruno Doucey, 2013.