La Rumeur – Deuxième Volet – Le Franc-Tireur (1998)
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La Rumeur – Deuxième Volet – Le Franc-Tireur (1998)
« Comme j’ai passé toute ma vie aux États-Unis, j’ai trop souvent vu des événements délibérément déformés, trop de moments de notre histoire et de notre vie présentés de façon tendancieuse pour avoir la force de les rectifier ou de les battre en brèche. Tout ce que je peux dire, c’est que si la vérité compte à nos yeux, comprenons que tout ce qui a de la valeur se mérite, doit être creusé, pensé, amené au terme d’un effort digne du bénéfice immense que cela apporte à notre vie.
Le prix à payer sera élevé. Le temps et la sueur investis dans cette quête nous coûteront en heures et en jours au détriment d’autres activités. Nous coûteront en relations qu’il faudra entretenir avec des personnes qui ne supporteront pas d’être négligées. Pour cela aussi, il faudra sacrifier tout le reste. La passion avec laquelle on s’engage dans quelque chose d’intangible nous privera du soutien même dont nous aurions tant besoin.
Ce qu’il nous faut, c’est un soutien qui dépasse la compréhension. Il y a des turbulences à chaque étape avec ceux qu’on essaie d’atteindre, ceux qui nous évitent parce qu’on ne cherche pas à se faire comprendre. Notre seul espoir de faire perdurer la solidarité au delà de la compréhension, c’est la confiance. Tout ceux qui déclarent nous aimer savent qu’ils ne peuvent comprendre tout ce dont nous avons besoin, c’est là que la confiance est nécessaire pour nous mener au bout du chemin. La vérité pour laquelle on veut écrire, chanter, qu’on veut faire sentir aux autres, on ne la poursuit pas parce qu’on l’a vue, mais parce que les Esprits nous ont dit qu’elle était là. »
Extrait de La dernière fête, mémoires de Gil Scott-Heron, traduit de l’anglais par Stéphane Roques, éditions de l’Olivier, 2014. Le site de l’éditeur français.
Nouveau spam poem reçu ce matin. J’entame décidément une nouvelle collection.
Retrouvez le spam poem #1 ici.
Yo ! Nouvelle mi-temps de la Ligue des Champions de la poésie routinière featuring Grégoire Damon. Pour ce qui s’est passé dans les vestiaires précédemment c’est ici. Check this out !
238) Et Plouf ?
239) Mais t’as pas peur que cela ne contribue à la pollution des océans ? Parce qu’il doit y avoir des trucs bien dégueulasses dans ce grand sac, non ?
240) Il paraît qu’il existe un continent de déchets quelque part dans le nord-est du Pacifique qui serait 4,88 fois plus grand que le Texas. Le Texas merde. T’imagines si on pouvait marcher dessus ? Sur ce continent en plastique ?
241) (Le Texas est l’unité de mesure inventée par Hollywood et utilisée dans plusieurs films catastrophe. On parle d’astéroïdes deux fois plus grands que le Texas, d’épidémies qui toucheraient la moitié du Texas, de clandestins mexicains qui envahiraient l’équivalent d’un quart de Texas par an. On dit même que le Texas ferait une fois et demi la France – en réalité c’est un petit peu moins. Enfin, le hasard voudrait – je ne demande qu’à vérifier – que l’état américain du Texas mesurerait exactement l’équivalent d’un Texas. D’où le nom de cette unité de mesure. Mais est-ce une véritable vérité générale du monde ?)
242) On pourrait marcher dessus. Gambader. Sauter à cloche pied. Ramper. Stationner tellement il y aurait de déchets à la surface de l’eau. Le « sol » ne serait pas totalement lisse pour y jouer au golf par exemple, mais qu’à cela ne tienne, on n’a qu’à dérouler un tapis synthétique. Il doit bien y en avoir un qui flotte dans le tas. On pourrait pour commencer implanter genre une colonie de bagnards – c’est notre truc ça les colonies – construire un fort afin de protéger nos colons contre les attaques indigènes.
243) Depuis le temps qu’on en parle de ce continent, il devrait bien y avoir deux trois pélos qui y auraient déjà planté leur drapeau en secret. Avant nous. Et qui constitueraient aujourd’hui un peuple d’indigènes. Ils auraient fondé un nouvel état ou bien auraient repris une ancienne nation dormant dans les archives mondiales afin de ne pas s’emmerder à créer un nouveau logo, code couleur ou hymne nationale. Ça se trouve les mecs n’étaient ni graphistes ni compositeurs. Ce sont des postes importants de nos jours dans nos contrées (dans un cabinet ministériel par exemple, il y a des auteurs, des artisans du mythe, des communicants…). Ça se trouve, les mecs étaient des jeunes sans problèmes qui n’auraient trouvé ni emploi ni gloriole, qui n’auraient subi aucun embrigadement extrémiste, patriotique ou associatif. Des usagers moyens de la République animés par un besoin de création. Ils auraient, comme les corses, implanté leurs villages dans les « terres » de ce continent-radeau afin de ne pas être remarqué par les bateaux naviguant au large. Ils auraient bâti à partir de coques de portables, de bouteilles plastiques et de sachets mâchés par les tortues. Construit des routes en emboîtant des petits jouets usagers les uns dans les autres. Créé une nouvelle littérature à partir des constellations visibles à cet endroit du globe. Leur premier livre classique s’intitulerait Les Trois câbles et commencerait ainsi :
« Jadis si je me souviens bien, ma vie était un festin » CRIC CRAC BANG BANG ! Tirons dans le tas, nous n’en voulons plus. Fini herbe verte et plateformes de partage, flux au débit insuffisant et goudron de vos villes, transparence fiscale et sangles de vélo, nous partons flotter ailleurs et bâtir sur nos merdes sous le regard approbateur de la constellation du tuyau.
244) Cette littérature du schisme, ajoutée à d’autres raisons bien plus dangereuses pour nos colons forceraient ces derniers à s’entourer d’un solide mur d’enceinte. Un type de chez nous répandra sûrement l’idée qu’il faut se méfier des systèmes autonomes. And the rest is History…
245) (Le problème avec ce continent flottant c’est qu’on ne pourrait pas y creuser de métro. Du coup, pour nos transvasements quotidiens et pour que nos enfants se prennent pour des conducteurs, c’est mort.)
246) Alors tout à fait autrement : un jour, tu prendras tous les présents de vérité générale du monde, et les tiens en premier. Tu les mettras dans un grand sac. Et tu prendras un bateau. Oui. Un jour. Un bateau.
247) Et après ? Dériver jusqu’à ne plus avoir pied, là où les côtes sont trop loin pour revenir vivant d’une baignade ? Paraît que la lumière y est telle qu’elle empêche les caméras d’informer. Ouvrir le sac et y glisser le bras.
248) Le bois se gonfle dans l’eau, les trains passent, la noix de coco tombe, un enfant cache son doudou dans le meuble à chaussures, la goutte coule du nez, le shaman part acheter le pain tout en restant sur place, un sac jeté du bateau, le vent du large, la danse des canards, la file devant le forum réfugié de la rue Garibaldi, les algorithmes de Wall Street. Mouvement. Garant de nos rotules chantantes. Courants océaniques et conscience des objets.
249) Quand je pense qu’une génération entière attend la révolution. Y songe pendant les RTT, les vacances, sur la chaîne de montage, en réunion de prod’, pendant les balances, en lamant ses baguettes de pain, au volant de son camion, en rédigeant son mémoire ou sa note de synthèse, en baignant son gone. Le méchant revers du gauche qu’elle va se prendre quand elle verra que la révolution qui arrivera n’est ni la sienne, ni celle qu’elle attendait. Il se prépare des trucs ailleurs, sans nous les gars. Nos vérités ne sont pas indispensables à tous. On est entre nous. Bien que ça s’effrite depuis un petit moment déjà, ça tient encore – fébrilement. Mais putain leur regard quand la vague sortira du siphon même de leur bac de douche…
« Pendant toutes ces années, il y avait ces groupes de rock magnifiques qui pépiaient et gazouillaient comme des moineaux sous hypnose, et si on n’était pas déjà mort, on en devenait dingue, parce que c’était maintenant que ça se passait et que personne n’avait écrit un bon livre ou fait un bon film, juste de la merde, encore et encore. La seule poésie du siècle digne de ce nom, c’était la poésie qu’on entendait dans les albums de rock. Tout le monde savait ça. […]
Décerner un prix de poésie quel qu’il soit est obscène. Tout comme se soucier d’Ezra Pound. Et des collections de poésie de Yale. Les facs sont faites pour tuer. Elles ont quatre an pour vous tuer. Et si vous ne vous y attardez pas, alors le service militaire, qui a été fait par et pour les vieux, est là, lui, pour vous tuer. Pour tuer vos instincts, votre amour, la musique. La musique est la seule chose vivante et bien en vie. N’appelez sous les drapeaux que les gens de plus de quarante ans. C’est leur guerre, laissez-les s’entre-tuer. […]
La seule poésie de ces vingt dernières années, c’est celle qu’on entend à la radio. Il faut détruire les facs. Elles sont dangereuses. Les cours pour amateurs de musique. La poésie métaphysique. La théologie. Les sondages de Playboy Jazz. Les partiels. Les dissertations. Les tests psychologiques. Les médecins qui essaient de « guérir » les toxicos, alors qu’ils se goinfrent de pilules. Se laisser emporter par la musique. C’est la musique qui nous a permis d’en sortir indemnes. C’est la musique qui nous a empêchés de devenir dingues. La musique des gens. C’est la musique qui passe à la radio. On devrait avoir deux radios. Au cas où il y en a une qui tombe en panne. La musique en concert est mauvaise ces temps-ci parce que les disques sont mieux. La vie dans une baffle.
Le rock’n’roll a englouti toutes les influences. Mieux vaut les musiciens blues que la musique folk blues. Mieux vaut la musique électronique que les musiciens électroniques (c’est-à-dire les Who d’Angleterre et le Velvet Underground de New York). La musique classique est si simple. Franchement, n’importe qui peut en écrire. N’importe qui. C’est une étape, comme quand un bébé fait ses dents. Imaginez le son qu’on obtiendrait si on branchait un micro sur le cordon ombilical d’un nouveau-né. […]
Comment peut-on décerner un prix de poésie. C’est une blague. Qu’est-ce qu’on fait de ceux qui sont EXCELLENTS […]. Aucune instance ne sera donc capable de reconnaître ce que Brian Wilson a fait avec LES ACCORDS ? Et tous ces gens qui ont dit que le travail de Phil Spector était une aberration, le jour où il a sorti le meilleur morceau jamais produit, « You’ve Lost That Lovin’ Feelin' ». […] Dieu n’existe pas et Brian Wilson est son fils. Brian Wilson ressuscite les accords, en s’inspirant judicieusement de tout… » Lou Reed, 1966.
Nouvel épisode de « Pour une débénabarisation du quotidien » le feuilleton puéri-tracté écrit à deux pères, Grégoire Damon et moi-même. Pour nous remettre dans le bain, relisons l’épisode précédent ici.
220) Là-bas, des types rentrent écrasés par leur journée, mais rentrent vivants. Le jour d’après, sortent des décombres ces mêmes types écrasés en un instant, mais morts. On sort des types des gravas. On rentre des civières dans les ambulances. Les bâtiments tombent du ciel. Il pleut des poutres.
221) Ici. Rentrer du travail. Sortir de chez soi. Rentrer accompagné. Sortir avec elle. Rentrer dans sa robe. Sortir de ses gonds. Rentrer en formation. Sortir diplômé. Rentrer tôt. Sortir tard. Rentrer dans sa femme. Sortir le bébé. Sortir le chien. Rentrer avant la pluie. Rentrer dans le magasin. Entrez c’est ouvert. Sortez de là. Sortir en force. Rentrer dans la police. Sortir relaxé. Sortir de la Ligue 2. Rentrer dans l’ascenseur. Rentrer dans le tas. Sortir de l’Europe.
222) Ils nous voient mettre la vaisselle dans l’évier, la sortir, puis la ranger dans les placards. Ils nous voient. Ils nous voient mettre notre linge sale dans la machine, le sortir, le plier, puis ranger nos vêtements dans la commode. Ils nous voient. Ils nous voient sortir de la poche le billet de cinq euros puis y remettre la monnaie et le ticket de caisse. Ils nous voient. Ils nous voient le jour glisser l’enveloppe à la Poste et le soir chercher le courrier dans la boîte aux lettres. Ils nous voient. Ils nous voient agiter fièrement nos passeports avant de monter dans l’avion qui nous déversera chez d’autres en touristes sans gêne. Ils nous voient. Ils nous surprendront peut-être un soir dans la chambre parentale sortir des objets des tiroirs et nous les enfoncer dans le corps ou bien découper les membres de certaines personnes de notre famille avant de les emballer dans des sacs de 30 ou 50 litres puis les jeter dans les grands bacs du local à poubelles. Ils nous surprendront mais ils sortiront discrètement la tête de l’embrasure de la porte et garderont silencieusement ce qu’ils viendront de voir. À l’intérieur.
223) On passe nos journées à nous rentrer puis à nous sortir. À rentrer des trucs dans d’autres trucs. À sortir de ces mêmes trucs, d’autres trucs. Véritables poupées russes. Aux accents qui raclent. Aux jambes qui traînent. Aux mains vivantes qui agrippent. Aux mortes qui ne lâcheront pas. On y pense. Y pense.
224) Je parle d’une des premières actions, d’un geste primitif, appelle ça comme tu veux. Une première action, celle de Papa dans Maman, celle de l’accouchement. Une qui suit un premier lancé. Je parle d’une des premières préméditations, du premier transport, décris ça comme tu veux, je parle d’une des actions les plus répandues :
225) le transvasement.
226) Mes fils sont en plein dedans. Ils nous voient. Et nous imitent. Les gnocchis se font une joie de passer des objets d’un contenant à un autre. Ils ne cherchent plus la collision, mais le passage d’un corps dans un autre. Avec classe et naïveté, ils expérimentent le pouvoir décisionnel et améliore leur motricité fine. Et ils répètent le geste, et ils répètent le geste, et le répètent. Pendant ce temps, le corps le mémorise et les prépare à ce qui suit.
« QUAND UNE SALLE
L’APPLAUDISSAIT
COLTRANE
PENSAIT QU’IL N’ETAIT
PAS ALLE ENCORE ASSEZ LOIN
DANS LE RENVERSEMENT
DE SA MUSIQUE »
Extrait de QÀU, Ne sois pas un poète sois un corbeau nous sommes une poignée de corbeaux sur la Terre, Serge Pey, Dernier Télégramme, 2009
Lorsque nous rentrions de boîte
nous devions traverser la ville à pied
nous jouions alors à un jeu
pour passer le temps
il s’agissait de chanter
le pont de la chanson i will survive
dans sa version du groupe Hermes House Band entonnée dans les stades
(le passage avec les LA-LA-LA-LA-LA)
la particularité ici
c’était que chaque « LA »
devait être chanté suivant le rythme de la mélodie originale
par un seul joueur à la fois
une syllabe = un joueur
chaque joueur, chaque « LA » devait parfaitement s’enchaîner avec le précédent
jusqu’à la fin de la chanson
tous nous devions être assez attentifs pour ne pas la massacrer
si l’un d’entre nous chantait faux ou n’était pas dans les temps
il était éliminé
ainsi de suite jusqu’au duel final
qui allait consacrer pour la nuit
le gagnant de ce jeu formidable.
Suite du ramonage poético-feuilletonné écrit en correspondance avec Grégoire Damon à suivre sur nos blogs respectifs. D’ailleurs, l’épisode précédent c’est sur le sien.
201) La génitrice a refait l’appart’. Nouvelle disposition des meubles. Dans la cuisine et la chambre. Pour limiter la marinade et créer de nouveaux gestes. De nouveaux déplacements dans l’appart. Histoire de se rallumer. J’suis rentré après 2 jours passés à être ailleurs. Loin du un jour plus un jour plus un jour habituel.
202) D’ailleurs, c’est assez flippant d’habiter le quotidien quand on n’est que de passage. On s’investit différemment sur le tapis roulant d’une correspondance que sur le tapis de jeu des gnocchis. La démarche n’est pas la même. La manière de saluer non plus. On repart anormalement plus triste après un adieu, qu’après un « à ce soir » lancé à sa conjointe ou conjoint. Ça ne devrait pas.
203) On devrait à chaque seconde pleurer les ancres comme les paquebots le font au Cap Horn.
204) Prévoir VRAIMENT une journée ? Il y a des gestes et des flux. Mais ce qu’on sait de la matière qui tient tout ça… L’autre jour à travers ma fenêtre j’ai cligné de l’œil, une mouette est passée. J’ai bu une gorgée de thé, j’ai entendu un klaxon. Je me grattais l’épaule quand un cycliste freinait. Un nuage passe et je m’assois.
205) L’effet parenthèse des voyages ponctuels réveille souvent le lyrisme gluant des quais de gares. Puis on revient avec des fausses prophéties dans les baskets ou de la philosophie recyclée.
206) « Partir ne prend du sens que si on est centré » ai-je entendu déborder de l’écouteur du type collé à moi à l’heure de pointe. Woua, c’que tu m’en apprends des choses.
207) Puis rentrer donc. Dans l’appart’ neuf du chez soi. Vitalisant. Tant de nouvelles habitudes à inventer. De régimes à imposer. Et ce n’est pas si simple. Y’a comme des méandres devant. J’ai toujours préféré suivre du doigt les fleuves sur les cartes plutôt que tracer un trait entre deux côtes.
208) Un matin, l’engouement populiste de la nouveauté s’est vaporisé par la VMC. Les gestes, eux, sont toujours là. Mais on ne les habite plus. Ils sont trop forts. Et nous fragiles. L’équilibre est rompu. Alors on déplace les meubles. Ou bien on remplace la machine à expresso par une cafetière à l’italienne.
Je file cette semaine à Paris rejoindre pour deux jours mon complice Paul Wamo afin de travailler sur notre projet « On est là » à la Cité internationale des arts.
« On est là » est une lecture création à deux voix avec Paul Wamo, poète venant de Nouvelle-Calédonie. Réunis une première fois dans le cadre d’une résidence en décembre 2014 par le centre culturel le C2, la bibliothèque départementale de Saône-et-Loire et la Maison de la Nouvelle-Calédonie à Paris, Paul et moi avons décidé de poursuivre le travail amorcé. « On est là » est une création mêlant textes écrits ensemble et d’autres provenant du répertoire de chacun. Ça chante, ça scande, ça pousse des bruits, ça bouge, ça discute avec le public et c’est toujours en mouvement :
Je viens de là et de là je suis arrivé jusqu’ici, je viens d’hier et d’hier je suis là maintenant, bien avant moi-même, je viens d’encore plus loin que moi-même, et d’encore plus loin que moi-même, je suis à présent, je viens de là et de là je suis arrivé jusqu’ici. (Paul Wamo)
Je viens de terres qui gueulent trop fort dans les oreilles de mon enfance et de mon enfance d’allers-retours je me suis fabriqué une ancre. De cette ancre aujourd’hui très lourde je fabrique des biberons tous les jours à 6h du mat depuis plus d’un an. Depuis plus d’un an je me dis « merde je fais moins de soirée » mais à 31 balais j’ai une théière comme sablier. (Emanuel Campo)
Ce n’est que la deuxième fois qu’on se rencontre
on se fait la bise
au rendez-vous suivant
je me dis
quelle sera la prochaine étape ?
Je suis revenu du salon « Les beaux jours de la petite édition » à Cadenet (qui avait lieu ce week-end) avec tout ça
Une belle pile de livres à ranger sur mon actuelle pile des livres en cours ou qui m’attendent à savoir la bio d’Ezra Pound et le Comment lire de ce dernier, La Dernière fête de Gil Scott-Heron, le Tais-toi ou meurs de Mark Oliver Everett (le chanteur de Eels), Rap indépendant de Sylvain Berthot, Pimp de Iceberg Slim, le dernier numéro de la revue Ouste, celui de la revue Muscle, aux dernières ficelles, il doit aussi y avoir un Christian Bobin et un Kateb Yacine qui se baladent là-dedans, mon Dieu quand aurais-je le temps de relire Septentrion ?
Extrait de l’album Vertex
« J’étais devenu un membre parmi d’autres de la couche moyenne du milieu de la danse : un désastre. Sans doute me faut-il envisager de quitter la France à présent. Ici, faire de l’art est devenu mon métier, et a cessé de signifier un risque, de faire aventure. »
Steven Cohen, performer sud-africain, Mouvement n°73 mars-avril 2014.
Je chausse mes gants de boxe, le gauche sur le pied droit et le droit sur le pied gauche et rejoins le sommaire du n°16 de l’aventureuse revue Cohues, « revue dédiée aux arts et à une écriture neuve, générationnelle, atypique. »
J’ai 3 poèmes publiés entre ceux de Jaoa, Stéphane Poirier, Guillaume Petroux, Gabrielle Jarzynski, Jacques Cauda, les nouvelles de Brice Haziza, Mathias Daval, Sylvain Ré, Stéphane Bernard, Heimski, Perrin Langda et les créations visuelles de Thibault Bourgoing.
Des auteurs et poètes que je ne connais pas et qui écrivent des choses terribles. Je découvre.
Ce numéro 16 est GRATUIT et à lire sur le site http://www.cohues.fr
Suite du feuilleton de poésie qui traverse l’hiver comme un bébé gazelle qui apprend à marcher. L’épisode précédent écrit par Grégoire Damon est à lire sur son blog.
175) Les discours officiels ainsi que certaines poésies me font penser au JT de 20h sur TF1. Y’a un truc louche qui se trame là-dessous.
176) C’est que, comment dire. Quand je vois un fleuve, je vois un fleuve. Point barre. Je ne vois pas comment le cycle de l’eau pourrait intervenir en ma faveur ou tenir des discussions télépathiques avec les auteurs.
177) La voie de bus, par exemple, n’est pas en train de remettre en cause son identité de voie de bus. Même à force de se faire rouler. Dessus.
178) Le mégot qui tombe est un mégot qui tombe. Le trottoir se fissure. Et alors.
179) Depuis ma fenêtre, un flic dans son uniforme de civil reste un homme raide parmi les passants et les joggeuses.
180) L’angle de la station-service indique une station Velo’V.
181) Le bord de l’autoroute demeure le bord de l’autoroute. Un bord certes, mais de l’autoroute.
182) Le temps que l’on se donne pour observer des phénomènes reste du temps que l’on se donne pour observer des phénomènes.
183) Quand je vois la kinésithérapeute positionner ses mains en Kamé Hamé Ha en direction de mon fils, puis lui écraser ses années d’études sur la poitrine, je vois clairement quelqu’un qui fait son job.
184) Quand je vois mon enfant pleurer de douleur, c’est sans chichi. C’est que ça résiste et que ça ne se laisse pas faire là-dedans.
185) Un parking, j’avoue, me fait penser à des mots-croisés ou à un texte à trou.
186) Mais généralement la vie reste la vie.
187) Je ne sais pas lire entre les lignes.
188) Je pense avoir un problème avec l’abstraction.
189) Bien que je vois parfois du lien entre les choses.
190) Longtemps, j’ai cru que certaines des choses pas claires que j’entendais, étaient bonnes. Je tombais dans le panneau parce que justement elles n’étaient pas claires.
191) Aujourd’hui, quand j’entends un truc du genre « […] l’infini de ton souffle […] » spontanément je pense à une crise d’asthme. Ou peut-être à un genre de slam en apnée. Il y a des choses que je lis, que j’entends, que je ne comprends pas. J’avoue. Mais longtemps je ne savais pas que je ne savais pas. Du coup, je trouvais tellement de trucs géniaux.
192) Aujourd’hui, j’aime bien des choses comme les angles, la concision des panneaux directionnels et la poésie de leur disposition, l’espace entre la rame et le quai, les places libres dans le bus, le ciel rose au-dessus du balcon, les formes courtes, et les listes à compléter :
193) __________________________________________________________________________________________________.
194) Enfin voilà, juste quelques questions ce soir. Parce qu’une journée c’est aussi ça.
C’était donc TF1 qui nous filmait samedi dernier ? On m’y voit (une seconde faut pas déconner) déclamer ce texte.
Y’a des plaisirs qui font mal au cul quand même…