Puis tu googlas le sens du vent… sur Sitaudis.fr

Sitaudis.fr a publié sa version du puzzle de mon nouveau livre Puis tu googlas le sens du vent pour savoir d’où il venait publié cet été aux éditions Gros Textes. Merci à l’auteur de l’article François Huglo. Pour lire l’article sur le site c’est par ici.

 

Nofuturisme ? L’incipit, « Au commencement était le vieux », semble répondre à celui de Zone : « Àla fin tu es las de ce monde ancien ». Apollinaire proclamait sa fin, il est toujours là, toujours à la clé, vieux comme le monde. Il donne « l’impression que tout déjà existe, a été écrit ». Pas moyen d’en sortir ni d’y entrer puisqu’on y est. Quant à y circuler, faut avoir les moyens, c’est pas donné : « Sans dieu / ni porte-clés / cherche GPS / d’occasion et plus / si gratuité ». Entrer dans un récit comme dans un rêve, ou le contraire ? « Mon futur rêve-t-il / de moi la nuit ? » Réponse négative : « Je ne vous raconte pas d’histoire. Je ne sais pas en raconter ». Le programme de Manu Campo, « Manu / Manu / M’annuler sous mon nom. / Et prendre le Campo par les cornes. » ne se la joue pas, comme celui de Manu Macron, symphonie du nouveau monde. En marche ? Campo en doute : « Assis, est-il assis le monde tout autour ? / S’écoute-t-il nous raconter des histoires ? » Quand il écrit « encore tisser / tisser partout / j’ai encore tissé partout », on entend pisser. Pourquoi dit-on un branleur, une pisseuse, et pas l’inverse ? Réponse peut-être (Campo n’est pas macho) : « Il en faut des couilles, mais pas forcément tous les jours ». Pas plus de banderoles (elles « ne disent rien sur le monde ») que de banderilles : « Je manque sévèrement, sévèrement de challenge. N’ai personne à vaincre. » Sous le titre, on lit : « Fil d’actualité —Bribes —Chutes ». Et page 10 : « Ton truc, c’est pas un texte, / c’est de l’herpès labial. » Poèmes jetables ? De ceux qu’on oublie, Grégoire Damon (né en 1985, deux ans après Emanuel Campo) le reconnaît dans sa postface, mais pour mieux être retrouvés « un de ces jours où vous vous sentez / non compétitif / inefficace, à côté de la plaque, / seul, minable, absurde. » Poèmes sur feuilles volées, et volantes : « Voler le français à la France pour en faire un cerf-volant ». L’air de rien, ces avions de papier peuvent frôler Lacan : « On appartient. Ça nous échappe. » Ou Verheggen : « Mon oral est au plus bas. » Voire Duchamp : « (Poème du 17 / 05 / 2016) / Source : / Wikipédia. ») Bartleby ? « J’aime beaucoup ce que vous ne faites pas. » Si « je me fais rire trop seul », je ne suis pas le seul. Blues urbain : « Un Opinel délaissé par la polis. La CAF comme confidente, la cafetière comme sablier. Aller au taf comme aller à la danse. Obéir pour s’oublier. Voir dans chaque être humain une minorité. » Les lendemains chantent sans oiseaux : « Un moineau patauge dans une flaque d’huile et d’eau. Y voir une notification nous avertissant qu’aujourd’hui nous participons à un événement : la hausse de la croissance. » Flaque ou miroir (Spiegel, Spiegoogle où sonne le glas ) : « Puis tu googlas le sens du vent pour savoir d’où il venait. » Mais il suffit de changer un mot pour remettre en selle « Une personne à mobylette réduite ». François Huglo.

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Blaise Cendrars – Hommage à Guillaume Apollinaire

Le pain lève
La France
Paris
Toute une génération
Je m’adresse aux poètes qui étaient présents
Amis
Apollinaire n’est pas mort
Vous avez suivi un corbillard vide
Apollinaire est un mage
C’est lui qui souriait dans la soie des drapeaux aux fenêtres
Il s’amusait à vous jeter des fleurs et des couronnes
Tandis que vous passiez derrière son corbillard
Puis il a acheté une petite cocarde tricolore
Je l’ai vu le soir même manifester sur les boulevards
Il était à cheval sur le moteur d’un camion américain et
brandissait un énorme drapeau international déployé
comme un avion
VIVE LA FRANCE

Les temps passent
Les années s’écoulent comme des nuages
Les soldats sont rentrés chez eux
A la maison
Dans leur pays
Et voilà que se lève une nouvelle génération
Le rêve des MAMELLES se réalise !
Des petits Français, moitié anglais, moitié nègre, moitié
russe, un peu belge, italien, annamite, tchèque
L’un à l’accent canadien, l’autre les yeux hindous
Dents face os jointures galbe démarche sourire
Ils ont tous quelque chose d’étranger et sont pourtant bien
de chez nous
Au milieu d’eux, Apollinaire, comme cette statue du Nil, le père des eaux, étendu avec des gosses qui lui coulent de partout
entre les pieds, sous les aisselles, dans la barbe
Ils ressemblent à leur père et se départent de lui
Et ils parlent tous la langue d’Apollinaire

Blaise Cendrars, Paris, novembre 1918