En Irlande, nous avions quinze ans.
Une journée sur la plus grande
des Îles d’Aran au large de Galway.
Nos professeurs : « Surtout ne vous approchez pas des falaises. »
Les vélos
qu’on avait loués pour nous
nous y amenèrent déjà
sans même connaître la destination
nous pédalions
sur les chemins de pierre
entre les murs de pierre
qui enfermaient des vaches
vivantes
comme nous. Elles nous regardaient
grandir et nous essouffler
contre le vent qui nous repoussait :
« N’y allez pas, c’est dangereux »
nous soufflait-il en celtique.
« Que d’la gueule, on parle pas celtique ! »
Ça devenait de plus en plus difficile de pédaler
mais une force nous incitait à découvrir un secret.
Les derniers mètres furent les plus pénibles.
Il faisait beau. Froid, beau et chaud, toutes les dix minutes.
« Mer ! Mer à l’horizon » cria un de mes camarades.
Bordel que c’était bon. La route s’arrêta net.
Une falaise de cent mètres et devant nous
l’Atlantique.
Mon premier réflexe a été de mourir.
De m’abandonner. Déverser mon bric-à-brac
dans l’océan. Puis, je suis revenu à la vie.
Tout s’est passé très vite. J’ai toujours la photo.
On me voit assis
comme sur une chaise. Les pieds dans le vide
les bras détachés du corps
comme si je priais
mon ami de se dépêcher de prendre la photo.
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E.C. 17/11/2016