il faut des paroles mortes pour arriver à un résultat
savoir organiser ses troupes aligner les mots soldats
et choisir les syllabes qui serviront de chairs à canon
afin que les paroles à l’arrière percent les flancs adverses
contournent les obstacles ou bien se fassent des amis
ailleurs
parler relève une fois du colonialisme
une autre de la création du monde
tout dépend de l’humeur et du contexte
des jours comme aujourd’hui je pense que la vie même
réside dans l’humeur et le contexte
comme des pinces à linges qui nous maintiendraient sur la corde
certains se plaignent des relations superficielles
dans leur travail mais les entretiennent
pour créer un contrepoids de bien-être lors des repas entre amis
ou nourrir des cas d’écoles et avoir de quoi argumenter
ils ne veulent pas du travail dans leur vraie vie
alors se montent une barricade tous les matins sur le trajet
sortent de leur vie en fermant la porte à clef
entrent dans leur travail sans même s’essuyer les pieds
puis le soir reviennent chez eux mais ne retrouvent pas
les aiguilles de l’horloge à la même place
ils devraient peut-être
laisser entrer leur vie dans le travail et ne plus avoir peur
des paroles
j’ai moi-même peur de certaines paroles
je ne passe pas beaucoup de temps au téléphone
c’est moi qui ne veut pas du téléphone
il y a déjà trop de bruit dans ma tête
et de musique chez moi
pour rajouter davantage d’ondes de quelques paroles
mortes ou vivantes je n’ai pas peur des vivantes
mais des mortes mais on ne sait jamais quand
l’une ou l’autre apparaît
mes paroles mortes à moi celles qui marinent dans
le ventre celles que j’entends parfois celles
que je dis aussi
ne proviennent pas du travail
mon travail je l’aime
il est aimé par ma personne
mes paroles mortes à moi celles qui marinent dans
le ventre celles que j’entends parfois celle
que je dis à mon tour
ne proviennent pas du travail
mais du silence
celui qui s’étale entre nos entrevues
celui de la peur de ne jamais savoir comment
je te retrouverai
celui de la vraie vie que le temps
a figé entre nous
pour faire de nos échanges un fossile