Poèmes, textes et notes…

Place Mazagran

Chaque matin elle sortait
de l’appart’ avec une boîte de pâté
et provoquait une ellipse
quand elle la vidait au pied de la grille du jardin en friche.

 

Soudainement autour
d’elle une dizaine de matous.
Je n’ai jamais vu autant de gouttières jouer du sax’.

 

La place a depuis été refaite.
Les gouttières sont redevenues des gouttières
et chaque chat que je croise aujourd’hui paie gentiment ses impôts.

En quoi ça consiste

Tard. En voiture. Mon fils à l’arrière. Nous revenons de chez le pédiatre. Décembre est enfin arrivé en ce soir de janvier avec son lot d’angines, d’otites et de gastros.

J’allume la radio et reconnais à la première note le morceau « C.R.E.A.M. » du Wu-Tang Clan que je n’avais pas entendu depuis des mois. Instantanément, mes yeux
bloquent

sur la vapeur ou la fumée peu importe
émanant de la plaque d’égout sur laquelle je m’apprête à rouler.

La vapeur ou la fumée peu importe
comme dans les clips, les films ou les cigarettes.

A cet instant,
précisément,
mon extérieur disparaît.

Ne reste plus que la musique jouée à la radio et la vapeur ou la fumée peu importe
émanant de cette plaque d’égout.
Les clips, les films, les cigarettes et mes fantasmes new yorkais
puis je
me trouve aussitôt transporté
13 ans en arrière
baggy, écouteurs, capuche, solitude en écharpe
déambulant de nuit dans la rue noire de médiocrité
d’une authentique ville moyenne
à l’architecture arythmique

loin des territoires qui font l’actu
loin des bureaux qui forment l’opinion
loin dans la vapeur, le givre et la fumée
les arbres maigres qui poussent péniblement
dans le sable des trottoirs
merdes écrasées
le bruit lointain d’une fête en centre-ville
mêlé au grondement d’un train de marchandises passant tout prêt
la brume sonore d’un quartier dortoir ponctué de temps à autre d’un toussotement craché depuis le square
un bus de nuit
le ticket fera le filtre
une dame sort le caniche
pisse contre l’Algeco d’un chantier
champs à l’horizon derrière le périph’
les bulbes des jonquilles attendent leur tour
sous un carré de terre au centre d’un rond-point
qui ne voit qu’un seul côté des voitures
le prix de la baguette commence son ascension de la Tour Eiffel
me voilà en plein dedans et je me revois
jeune adulte au début de « ces années 2000 »
gadget tout neuf
que certains ont attendu avec impatience sortir de leur téléviseur
et que d’autres ne comprennent toujours pas en quoi ça consiste.

_ _

E.C.

 

Débriefing

00:00 je tiens mes feuilles de la main droite et le micro de la main gauche
00:01 je débute par la lettre « L »
00:02 je me dandine
00:03 ce qui me fait lâcher le micro
00:05 je fais mine de tousser
00:07 je répète la lettre « L »
00:09 puis cherche des variations mais enchaine vite sur « LEM »
00:14 fais mine de me prendre la tête alors que tout est écrit sur ma feuille
00:19 premier rictus qu’on retrouvera plusieurs fois par la suite
00:27 refais mine de tousser puis me tiens le ventre pour mieux mentir
00:32 agite la main par peur que l’auditoire ne saisisse pas le rythme
00:41 quelques bégaiements moyennement interprétés puis une première phrase compréhensible
00:49 fin de la première feuille dix autres suivent
00:55 je fais le robot et accélère mon débit
00:58 le caméraman sent mon jeu et déroule un long zoom
01:02 on entend mon amie Caroline faire « Wou ! »
01:10 léger haussement des sourcils
01:16 satisfait par mon effet
01:17 suis fatigué après cette accélération, content de moi à l’intérieur
01:22 référence à Aimé Césaire « j’habite une blessure sacrée… »
01:26 s’en vient un simulacre de poésie sonore, mascarade pas suffisamment incarnée
01:28 froncements des sourcils l’instant est grave
01:41 l’œil gauche souligne
01:51 lève les yeux vers le public car très fier de mon enchaînement « maizil mais îles du pacifique »
01:58 oui il y a de l’espoir
02:04 je me dandine une fois encore
02:17 là je m’éclate et prends du plaisir
02:30 je bute sur une syllabe à cet instant je me déteste
02:43 mais continue à m’éclater
02:53 ferme les yeux mais pas assez longtemps pour y croire
03:31 ne sais pas si on m’écoute pense à plein de choses et sors complètement de ma lecture jusqu’à 03:56
03:57 change de ton, histoire de choper le public et accélère peu à peu
04:09 connivence avec le cadreur qui me suit en dézoomant
04:16 je fléchis presque à chaque fois que je dis « monde »
04:40 ma voix est trop haute, je ne l’ancre plus et me laisse emballer par l’énergie
04:47 effet d’annonce, simulation de plaisir, auto plébiscite
04:48 rires du public et cabotinage stand-up de ma part
04:54 reprends ma lecture avec ce texte écrit à la manière de « Prendre corps » de Ghérasim Luca
05:04 ne comprends pas pourquoi les gens rient à « je te gaz carbonique » mais poursuis et conclus à 05:26

Mail aux gars de mon groupe

Les gars,
pourquoi ne pas nous retrouver une fois par mois
chez l’un d’entre nous
pour une soirée disque ?

L’hôte devra choisir un album qu’il souhaiterait faire découvrir au reste du groupe
puis nous l’écouterions d’un bout à l’autre
sans parler
confortablement assis
avec la permission de fermer les yeux ou remuer la tête.

Il faudra éviter tout bruit de table ou ingestion de nourriture croquante du type chips.

Je recommande que nous investissions chacun – si ce n’est pas déjà fait – dans une installation haute-fidélité afin d’offrir aux invités le meilleur son possible.

Ce n’est qu’après l’écoute qu’il nous sera permis de parler et d’échanger à propos du disque.
Il s’agira de prendre plaisir à parler du mixage, des paroles, de la composition, des musiciens, des featuring
C’est pas une idée géniale ?
Qu’en pensez-vous ?
Si vous êtes d’accords, je vous propose de nous retrouver chez moi lundi prochain pour une première séance. Disons 21h si vous souhaitez manger chez vous avant.

Il me tarde de parler musique avec vous.

_ _

E.C.

Toujours en train de racler

toujours en train de racler
le fond des pochettes
à la recherche d’une boucle bouclée
toujours

toujours en train de racler
les semelles asiatiques
à l’arrêt de bus
le ticket à deux minutes de sa limite de validité

en train de racler sous les ongles des enfants
c’est dingue la crasse
qu’ils se trimbalent aux bouts des doigts
c’est sale comme un nombril
sale
comme la barre dans la rame du métro

toujours en train
de racler les parois crâniennes
des années à chercher
l’aboutissement
la formule
la serrure de la justesse

phrase déclinée à l’infini selon les situations
toujours en train de racler la conserve
toujours en train de racler le balcon
toujours en train de racler la confiture
toujours en train de racler le terrain
toujours en train de racler la gencive
toujours en train de gratter un baiser ou deux
toujours en train de racler le carnet à la quête d’une chanson
toujours en train de racler comment ça va ?
toujours en train de racler
toujours en train de racler architecte

toujours en train de racler
bordel
cette phrase dont le sens
se blotti loin devant
quelque part

phrase supernova
suspendue
ère dans la pénombre

à l’affût

_ _

E.C.

Un samedi soir en ville

Nous étions tranquillement en train de faire une pyramide humaine
(je propose souvent à mes amis de faire des pyramides humaines
c’était enfin mon tour d’être au sommet
j’étais à peine installé)
quand soudain
le type du kebab nous signala par un geste que nos sandwiches étaient prêts.

Mes amis me lâchèrent sauvagement
et rappliquèrent vers le comptoir
tels des gnous tentant d’échapper aux guépards
me laissant ainsi
seul

là-haut.

Pas grave me dis-je
je ne peux forcer personne
à préférer les pyramides humaines aux sandwiches.

Je dépliai alors les jambes
m’allongeai dans le vide
au niveau des toits
en jetant de temps à autre
des coups d’œil furtifs
aux gnous en bas
qui se disputaient les sauces.

Ne pas céder ne pas céder ne pas céder

Selon les statistiques j’ai toujours plus de chance
de me faire tuer par un proche
de battre ma copine à mort
ou même de mourir heurté par une noix de coco ayant chu
que de me faire exécuter dans une vidéo relayée par les médias.

Je n’oublie pas
les statistiques
je n’oublie pas
que je passe
suivant la rotation GALACTIQUE
de l’état solide
à l’état gazeux
pour revenir
à l’état solide

et me rappeler que j’ai toujours plus de chance
de tuer un proche
de mourir sous les coups de ma copine
de me réincarner en une noix de coco qui heurterai une tête
que d’exécuter aveuglement des inconnus dans une vidéo relayée par les médias.

Ne pas céder ne pas céder ne pas céder.

Texte « On est là »

Texte écrit dans le cadre du chantier public d’écriture de « On est là » et publié ici.

Je cherche l’équilibre
entre 4 murs
dans le temps
entre les affronts du jour et les rayons
les rires et les soupirs
la vaisselle à faire et la vaisselle à ranger
les appels reçus et ceux à donner

l’équilibre
tiré
tendu
frémissant à peine
entre deux
instants

fil tendu entre deux pics
fil de bave entre les lèvres des amants
c’est de l’alpinisme tout ça
de l’alpinisme de rez-de-chaussée

on frôle le gazon
on frétille dans les sillons du goudron
ça chatouille ou ça emmerde
c’est toi qui voit
l’équilibre nécessite un choix
l’équilibre c’est faire le choix de tenir.

Mon fils en faisant ses premiers pas
a choisi de tenir
première victoire
il a senti qu’il y avait un enjeu

ça va de soi
ça retombe sur ses pattes

les vies ont sept chats

et mon fils, lui, a deux jambons
sur lesquels il s’initie peu à peu
à la présence.
E.C.

Etudiant

À la faculté

à l’entrée de l’amphi

sur la porte un écriteau

« Prière de fermer la porte »

je m’agenouillais systématiquement

les paumes tournées vers le faux plafond

et priais la porte de bien vouloir se fermer.

_ _

E.C.

notes de la matinée (paroles, travail, téléphone)

il faut des paroles mortes pour arriver à un résultat
savoir organiser ses troupes aligner les mots soldats
et choisir les syllabes qui serviront de chairs à canon

 

afin que les paroles à l’arrière percent les flancs adverses
contournent les obstacles ou bien se fassent des amis
ailleurs

 

parler relève une fois du colonialisme
une autre de la création du monde
tout dépend de l’humeur et du contexte

 

des jours comme aujourd’hui je pense que la vie même
réside dans l’humeur et le contexte
comme des pinces à linges qui nous maintiendraient sur la corde

 

certains se plaignent des relations superficielles
dans leur travail mais les entretiennent
pour créer un contrepoids de bien-être lors des repas entre amis

 

ou nourrir des cas d’écoles et avoir de quoi argumenter
ils ne veulent pas du travail dans leur vraie vie
alors se montent une barricade tous les matins sur le trajet

 

sortent de leur vie en fermant la porte à clef
entrent dans leur travail sans même s’essuyer les pieds
puis le soir reviennent chez eux mais ne retrouvent pas

 

les aiguilles de l’horloge à la même place
ils devraient peut-être

 

 

laisser entrer leur vie dans le travail et ne plus avoir peur
des paroles

 

j’ai moi-même peur de certaines paroles
je ne passe pas beaucoup de temps au téléphone
c’est moi qui ne veut pas du téléphone

 

il y a déjà trop de bruit dans ma tête
et de musique chez moi
pour rajouter davantage d’ondes de quelques paroles

 

mortes ou vivantes je n’ai pas peur des vivantes
mais des mortes mais on ne sait jamais quand
l’une ou l’autre apparaît

 

mes paroles mortes à moi celles qui marinent dans
le ventre celles que j’entends parfois celles
que je dis aussi

 

ne proviennent pas du travail
mon travail je l’aime
il est aimé par ma personne

 

mes paroles mortes à moi celles qui marinent dans
le ventre celles que j’entends parfois celle
que je dis à mon tour

 

ne proviennent pas du travail
mais du silence

 

 

celui qui s’étale entre nos entrevues
celui de la peur de ne jamais savoir comment
je te retrouverai

 

celui de la vraie vie que le temps
a figé entre nous
pour faire de nos échanges un fossile

Combien de temps nous reste-il ?

En réponse à Paul Wamo.

combien de temps nous reste-il ?

 

9

à mon bureau

lorsque je tourne la tête à gauche je vois

par la fenêtre un gros nuage qui prend l’eau

on dirait un Titanic en train de couler

derrière la colline

il pique du nez en levant son gros cul au ciel

en me criant

« Eh Manu ! T’as vu je pique du nez en levant mon gros cul au ciel ! »

 

si je ne m’étais pas posé la question du temps qu’il me restait

je n’aurai jamais tourné la tête à gauche

et n’aurai jamais vu le Titanic s’ouvrir le flanc contre une colline lyonnaise

 

8

je ne veux pas de la réponse

 

7

j’ai le temps

de me prendre des surprises en pleine face

oui

je m’accorde des kilos d’ignorance

histoire d’avoir du jeu

 

de l’amplitude

 

6

la joue tout contre la vie et l’œil cherchant la brèche par laquelle je verrai l’avenir ?

 

non merci

je ne veux pas de la réponse

 

5

combien de temps nous reste-il ?

tout dépend de celui qui pose la question

 

j’aurai une réponse à ma copine

une autre à ma banquière

une autre à l’administrateur d’une salle de spectacle

et sans doute aucune à mes enfants

 

4

le temps qu’il nous reste

n’est pas le même que

le temps qu’il me reste

 

3

je ne veux pas de la réponse

 

2

je fais face à l’ordinateur

je reçois ton message

tu

m’écris combien de temps nous reste-il ?

 

je ne comprends pas la question

alors je tourne la tête à gauche

contemple un gros nuage qui passe au loin

en ne trouvant comme réponse

qu’un poème écrit sous forme de parties numérotées

que j’enregistrerai en .doc

puis t’enverrai par mail

 

1

si j’avais su le temps qu’il me restait

j’aurais vécu cette dernière heure

sous pression

le cœur battant plus rapidement

qu’un morceau de hard techno

un après-midi de Gay Pride à Berlin

 

si j’avais connu

à l’avance le résultat du match d’hier

je n’aurai jamais regardé le match hier

et mon dieu que les cacahuètes étaient bonnes

 

si je savais aujourd’hui le temps qu’il me reste

qu’il me reste à quoi d’ailleurs

j’aurai déjà mis tous les moyens de mon côté pour travailler mon art quotidiennement, m’épanouir, écrire des livres, enregistrer pleins d’albums, devenir une star et niquer tout ce qui bouge

 

mais la croûte terrestre étant ce qu’elle est

un bout d’entonnoir

trop serré pour accueillir toute la crème à la fois

je me contente de la joie que me procure

la vision d’un nuage au loin

qui dépasse une colline

_ _

18/09/2015

Sans projet #1 et #2

#1

Il y a bien une table

avec une tasse dessus

mais le café

lui

n’existe pas encore.

 

#2

Ne compte que sur les à-côtés pour me trouver

des origines

innombrables

insuffisantes

 

je viens de la ville que j’habiterai.

 

Tout à l’heure, l’eau sera assez chaude pour y infuser ma boule à thé.

 

En revenant du festival Poésie Nomade en Luberon

Autoroute du soleil

 

Au volant ce matin,

j’ai vu passer deux éoliennes

qui défiaient la centrale nucléaire du Tricastin

tels deux cure-dents face à un bol de cacahouètes.

_ _

E.C. 20/07/2015.

Au festival « on prend les mêmes et on recommence »

il y aura

des artistes qui se connaissent entre eux

des badges

du public, le même que samedi dernier mais là c’est différent, c’est la soirée de l’année

ta radio associative-locale-que-t’as-pas-trop-le-choix-que-de-la-préférer

des têtes qu’ont fait l’effort de changer de coupe depuis l’édition précédente

le catering est bon, les olives sont bios, il a 22 ans, porte une moustache et passe une musique d’un groupe de Williamsburg à fond dans sa cuisine

les gars du webzine du coin exposent dans le hall

des gens beaux, désirables et des clopes roulées vers la tireuse à bière

tout ceux qu’ont partagé le teaser

et surtout surtout on ne change rien à sa façon d’opérer on garde ça fonctionne

vraiment on a galéré des années pour choper des partenaires

et les draps des stagiaires s’en souviennent

A la préf. du R.

lecture en situation

lire 99 noms d’un seul truc de Grégoire Damon dans la salle d’attente du service dédié aux cartes grises de la Préfecture du Rhône

 

(
  attendre, à la ligne
                                             )

 

performance…

« c’est pas une maladie d’être enceinte » a répondu à 9h30 la guichetière excédée à la jeune et jolie femme enceinte de 8 mois et + qui lui demandait naïvement s’il y avait un guichet prioritaire

 « faîtes la queue comme tout le monde »

 

… et poésie visuelle

l’observer faire la queue et lutter, son nombril à l’avant garde

 

(
  attendre, à la ligne
                                             )

 

poésie « désagréable » sonore

le bruit des élastiques qui claquent sur les pochettes en plastique, les lettres épelés des noms de familles, les signaux sonores du tableau d’appel, ticket CO64 guichet 58, les raclements de gorge, les talons qui s’impatientent sur le carrelage, deviner le son du zoom de l’objectif des caméras de surveillance, la rumeur du peuple dans la canicule du monde

 

(
  attendre, à la ligne
                                             )
 

performance administrative

une heure est passée

« voilà ça arrivera dans dix jours, mais entre nous, vous n’en avez plus vraiment besoin »

T’as voulu lire en public

ne ferme pas les yeux quand tu lis

veux te voir vivante

comme lors d’un de ces grands soirs qu’on vit à la télé

ne les ferme pas

tes yeux nous disent les notes

bleues de tes poèmes parle-nous

ce n’est que nous

rien de grave

t’as voulu lire

en public alors lis en public

sois avec nous

quand tu lis

je veux que tu nous parles

 

(pause, respiration, un temps, puis quelque chose monte et se décroche)

 

PARLE-NOUS
REGARDE-NOUS
LA DEVANT
DANS NOS YEUX
OUVRE LES TIENS
T’AS TON PUPITRE AVEC TES FEUILLES ET TU FERMES QUAND MÊME LES YEUX
ÇA VEUT DIRE QUOI ?
TU CONNAIS TON POÈME PAR CŒUR ?
NON MAIS OH
C’EST MARQUÉ
« LECTURE PUBLIQUE » SUR L’AFFICHE
PAS « RÉCITATION A L’AVEUGLE »
JE VAIS TE DIRE
TU N’ES QU’UNE MENTEUSE
CHARLATANT
CELA DEVRAIT ÊTRE UN BEAU MOMENT
NOUS DEVRIONS TOUS ÊTRE ENSEMBLE
CONNECTÉS
MAIS TU TE TIENS DEVANT NOUS ET TU NOUS MENS
OUVRE LES YEUX OH QUAND JE TE PARLE EN LETTRES BÂTON
OUVRE LES YEUX OUVRE-LES OUVRE LES YEUX
PROPOSE-NOUS UNE FAÇON D’ÊTRE DE REGARDER DE VIVRE
ET PARTICIPE T’ENTENDS ?
PARTICIPE À CE QUI SE PASSE ICI ET MAINTENANT
ENTRE-NOUS
FAIS GAFFE HEIN
NOUS SOMMES PLUS NOMBREUX QUE TOI
TU ES SEULE SUR SCÈNE
FAIS GAFFE HEIN
NE CROIS PAS QUE TU IRAS JUSQU’À NOUS SUPPRIMER
ON EST TROP VIVACE EN PUBLIC
NOUS T’ANNULONS
ET ENLEVONS TON NOM DE L’AFFICHE

_ _

E.C.

Spam poetry #2

Nouveau spam poem reçu ce matin. J’entame décidément une nouvelle collection.

spam_poetry_#2

Retrouvez le spam poem #1 ici.

LA-LA-LA

Lorsque nous rentrions de boîte

nous devions traverser la ville à pied

nous jouions alors à un jeu

pour passer le temps

 

il s’agissait de chanter

le pont de la chanson i will survive

dans sa version du groupe Hermes House Band entonnée dans les stades

(le passage avec les LA-LA-LA-LA-LA)

 

la particularité ici

c’était que chaque « LA »

devait être chanté suivant le rythme de la mélodie originale

par un seul joueur à la fois

 

une syllabe = un joueur

 

chaque joueur, chaque « LA » devait parfaitement s’enchaîner avec le précédent

jusqu’à la fin de la chanson

tous nous devions être assez attentifs pour ne pas la massacrer

 

si l’un d’entre nous chantait faux ou n’était pas dans les temps

il était éliminé

 

ainsi de suite jusqu’au duel final

qui allait consacrer pour la nuit

le gagnant de ce jeu formidable.

Dire bonjour aux gens du réseau

Ce n’est que la deuxième fois qu’on se rencontre

on se fait la bise

 

au rendez-vous suivant

je me dis

quelle sera la prochaine étape ?

Otis

www.youtube.com/watch?v=BoEKWtgJQAU

vraiment trop cool

ces deux mecs ont fait du T-shirt blanc un véritable drapeau

ils démontent et recollent la soul comme des constructeurs automobiles

puis nous jettent l’écran dans les yeux

 

ça rappe

si facilement

dérape aussi

 

Ashley Sky et ses copines mannequins

à l’arrière dans la vie comme dans cette Maybach versifiée

s’amusent et se marrent

on les envierait presque

de ne vivre qu’en deux dimensions

sur un support plat

l’existence doit être écrasante

 

nous

on se prend ça

sur le visage on jubile

ben ouais c’est le rêve américain

un poster froissé par l’éloignement

dans une chambre provinciale

 

sur nos cannes on habite le jour loin des capitales

la fin de « Try a little tenderness » dans le corps

et ses GOTTA-GOTTA-NAH-NAH-NAH

en guise de réconfort

la poésie sonore du jeune Otis Redding

me rappelle qu’ado nous nous soignions en nous persuadant être plusieurs.

 

_ _

E.C.

En bout de table la fenêtre. Youhou !

voitures

mouette

mouette

mouettes

arbres à poils durs

mouchoir

Rhône coule

re mouette

camion

pouette

et re pouette

branche

balcon

antenne

volets

mi clos

friche

feu

rouge

bleu

orange

couteau

épluche

peau

d’un cumulus

et re re mouette

 

tout cela est censé tenir…

Les belles questions inutiles

Pâtes ou riz ?

John ou Paul ?

Noel ou Liam ?

Mick ou Keith ?

Q-Tip ou Phife ?

Blanche ou mayo ?

Toi et moi ou moi et toi ?

Spam poetry #1

Le 01/01/2015, une notification m’a informé d’un nouveau commentaire sur ce blog. Ou quand un algorithme m’écrit du « spam poetry ». C’est beau.

 

Comentaire reçu aujorud'hui

« Test 1, 2, 1, 2 »

Aujourd’hui, je n’ai besoin de vous

parler de rien en particulier

pourtant

la colère

le nœud

la fumée

sont là

 

mais pour le moment

le nœud

la colère

la fumée

jouent sagement à l’intérieur

 

sans trop taper dans les meubles

la colère la fumée le nœud

 

ça remue juste

à peine

pizzicato sur un nerf

 

juste ce qu’il faut

de fumée de nœud de colère

pour me faire quitter ma chaise

et vous dire

que ça pique un peu

et vous dire

que c’est pas grave

et vous dire

que ce picotement et moi

on va faire de grandes choses ensemble

 

mais avant il nous faut vivre

un petit bout de temps

sous le même toit

histoire de voir si ça marche entre lui et moi

_ _

E.C. 01/12/2014

Au bas des berges

et je percerai le secret de ce livre qui ne s’écrit pas

les feuilles de l’autoroute brunissent et coulent

au bas des berges du cendrier

 

le téléphone est l’arme de référence

et les publicitaires le savent

ils sont là

et savent

que l’écran est aussi des ultimes

 

assis est-il assis le monde tout autour ?

s’écoute-il se raconter des histoires ?

en particulier celle du monde assis qui se raconte des histoires

 

ça claque des doigts pas loin

ça clamse les néons bouteilles goudron fumant sur fond de basses funk se font entendre derrière l’épaule du balcon

 

il en faut des couilles

 

mais pas forcément tous les jours

 

act like you want it nous souffle-t-elle la chaîne

les sonneries sont le paysage et je ne suis pas assuré à présent de distinguer la colline en face

 

la tasse brûle la table

un livre couché entrouvert forme une bouche

cette bouche semble me parler

mais je n’ai que l’image

les sons ne sont pas encore arrivés

les mots lestent son intérieur

poids qui prend son temps et s’ancre

ce n’est qu’une grimace que je reçois du livre couché

 

et l’autre, toujours l’autre livre,

l’autre qui ne s’écrit pas.

 

_ _

E.C.

Je danse

Je danse la sueur.

Elle s’écoule du trou large de l’Histoire. Années d’impuretés bavent, dérapent et toboggandent du bas vers le haut. Raclent tout sur leur passage. Chalutent. Années d’impuretés à plonger corps aveugle dans les crues. Eponger travail, filles, famille, errances, hontes, joies, réussites, gloires, amitiés, amanteries, fluides de quelconques rapports, gueules de bois, tournois sportifs, scènes et concerts, poèmes perdus. Chercher à plaire – années à se taire. Perdre pour ne pas attirer l’attention. Années camisoles. La sueur aujourd’hui danse, bout, sexe en arabesque. Elle s’étire. Renouveau giclé. Les cheveux flottent comme l’étendard. Crachats punchlines fécondes. Années qui forcent la fissure. Péter le barrage d’un clignement, d’une balade matinale. Revoir son habituel parcours d’un autre angle. Virgule après virgule. Singulier jusqu’à la morve. Pas après pas. Avec l’impression de marcher dans des pieds neufs. Années bombonne de gaz, compressées dans le corps maladroit du comme il faut. Hésitant. Trébuchant. Sueur jusqu’à présent stalactites figées. Pointues. Mortelles. Menaces aiguisées qui jusqu’à aujourd’hui surplombaient la route. La route pff ! Même pas. Le sentier. Stalactites de sueur tout autour. Être grand et mince à l’étroit dans mâchoire de S.S. (stalactite de sueur). Années ardoise graffée à la craie. Dette de malade. Fuite de sueur qui danse, asperge, provoque coulures et qui efface. Années qui s’extirpent. Le chant de mille pétards à l’unisson. Démolition d’une barre d’immeuble. Ballon qui pète dans les mains d’un enfant. Orgasme de bulldozer. Rot de dinosaure. Iceberg qui se scinde. Années qui s’extirpent dans le tonnerre intime. Le silence d’une foudre exigeante. Années qui s’extirpent par le trou du cul de la lorgnette. Années qui s’extirpent par les pores. Par les pores. Par les pores. Années qui fuient. Boat-people à Haïti. Barque au large de Pompéi. Années macérées dans le pus d’un furoncle perché sur un cul. Les doigts de la nécessité le pince. Le pus s’agglutine sous la peau. Grossesse à terme quand le bébé pousse avec les pieds. Le bouton rougit. Magenta éclatant tandis que son centre blanchit. Un monticule apparaît. La peau retient tout pour l’instant. On repositionne les doigts de part et d’autre du volcan. On pince plus fort. Fort. Fort. La peau ne tiendra pas longtemps. On imagine les animaux faire leur valise. On sent qu’un magma cherche à percer les strates. Ça s’insinue dans chaque cavité que la peau souhaite bien ouvrir. Ça recèle de grottes décorées d’inscriptions anciennes. Ça monte en pression. Quand enfin. Lave, pus, années, sueur se défenestrent. Jaillissent d’une peau banquise craquant sous les premiers rayons d’été. Il nous est donné à voir le surgissement d’un mouvement ancestral. La curiosité déterre l’infection. On a raison d’aller voir sous les furoncles. D’explorer les furoncles. Percer des carottes dans la peau. Prélever des échantillons. Lécher le reste de pus saignant que l’on a au bout de l’ongle.

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Emanuel Campo, 2013.

ce poème est lu le mardi 21 octobre 2014 entre 18h30 et 19h30 quelque part dans un local de la commune de Torcy en Saône-et-Loire

ce poème est lu le mardi 21 octobre 2014 entre 18h30 et 19h30 quelque part dans un local de la commune de Torcy en Saône-et-Loire

poème

je te souhaite bonne réception

et ce qu’il faut d’incompréhension

à nos oreilles sommairement Flanby à languette facile

pour que tu puisses toi aussi te divertir

après m’avoir soutenu et accompagné

durant mes trente et une premières années de division cellulaire

 

la division est nécessaire à la vie

comme pour le Flanby

c’est le décollement de la languette qui

crée le Flanby

c’est ça la vie

la division dans la vie

(la vie sans division c’est l’ organisme monocellulaire ; mais ce n’est pas suffisant pour penser ou mâcher ; et là je ne parle pas des atomes…)

 

Va ! Tu t’es libéré buddy

 

je souhaite

que te soit suffisante la température des yeux au-dehors

mais que les yeux au-dedans n’en finissent plus de croître

 

que des mains te mordent

oui les mains mordent dans la chair des petits poèmes comme toi

c’est normal tout à fait normal comme la vétustés des murs de certaines salles polyvalentes d’établissements scolaires reculés

 

te souhaite

de rencontrer un autre poème, une prose, ou bien les deux qui t’aime(nt)

et pourquoi pas un pamphlet ou un billet d’humeur ? Je sais que tu aimes les gros

 

fait attention tout de même

aux panneaux qui : signalent

ils sont doubles, Saroumane ou Palpatine

 

je pourrais lister des pages entières de directives

mais le « tout contrôle » demeure une pauvreté

celle des inquiets ou fanatiques du sang

comme un père qui apprend à ne pas choisir son fils

je sais qu’aujourd’hui tu m’empruntes

petit con

 

sache poème

que je suis auprès de toi ce mardi 21 octobre 2014 entre 18h30 et 19h30 quelque part dans un local de la commune de Torcy en Saône-et-Loire

je serai toujours là pour nous comme toi tu es

 

suis là

pas loin

dans ton dos

à te souffler deux trois vannes bien lourdes histoire de te détendre la nouille.