Poèmes, textes et notes…

et la Terre dans son élan oubliera bientôt comme une ex notre passage sur elle

Se voir mourir de nuit
comme un feu de camp
enveloppé par la mélodie
de l’attrape-culotte joué
par le guitariste de la bande.
Les copains sont assis en tailleur
autour des dernières braises en bouteilles
quelque part
dans une clairière de l’Eldorado.
Dans le ciel
tous les romans d’aventure
scintillent à l’unisson
avec la grâce débutante
d’un cœur de fœtus.
Une nuit n’est qu’une nuit
et la Terre dans son élan
oubliera bientôt comme une ex
notre passage sur elle.

_ _

E.C. 21/02/2017

Fenêtre de tir

T’entends ?

Si je glisse
glisse ton nom
ton nom dans l’enveloppe
je te défends de croire une minute
que-tu-me-plais

 

Je t’ai dans le viseur         T’entends ?
doublement dans le viseur
un viseur pour chaque œil
les yeux, les mêmes qui pendent
depuis des mois en recherche

 

Tu sens

cette déception qui te surveille ?
ils seront des millions à ne pas te lâcher
un pourcentage-muscle à bander comme un arc

 

Mais je vais te dire

rien ne changera ma capacité d’adaptation
au mieux tu resteras pour moi un indicateur
un indicateur d’humeur, une température

 

Vois-tu

je fais partie de ces gens qui ont encore la chance d’avoir une fenêtre chez eux.
Alors le matin, avant de me rendre à l’arrêt de bus, je passerai
et ma tête et ma main par la fenêtre
histoire de sentir la température
pour envisager comment m’habiller avant d’affronter le verbe sortir.

Élections

Quelque part dans les états-unis d’Internet
un homme se fait mordre par un serpent.
Je ne voudrais pas être
à sa place, alors je passe
la journée à regarder des vidéos de serpents
des plus gros aux plus dangereux
en comparant les morsures :
les yeux :
les mouvements :
les écailles :
les venins :
les infos de la radio en fond sonore.

23h25

à peine tu reviens
peine tu reviens
d’une semaine de répétitions dans la Drôme
que le tracklisting du dernier album de
Kendrick Lamar tape à ta porte
et se mêle à la bière qui s’ouvre
aux souvenirs du pays Diois
aux volets mi-clos à la fenêtre décapsulée
gorgée du soir bonsoir
streaming-intra-vénéneuse rien d’autre ne passe
folle musique beaucoup plus bonne que la plus bonne

 

Vision

Un matin d’hiver
brumeux
comme du froid qu’on vaporise.

 

Se voir marcher dehors
frissonnant
avec sur la tête

 

une marmite
d’eau bouillante
qu’on rêverait de se verser dessus.

 

La vitesse foudroyante du café.

 

_ _

E.C. 2016

Des électeurs tentés par le FN sont plus intelligents que les poutres d’une maison

  1. Des électeurs tentés par le FN sont plus intelligents que les poutres d’une maison.
  2. Des jeunes disent « le FN, avant c’est raciste. Plus maintenant, j’crois pas. »
  3. Il y a des jeunes qui votent FN.
  4. Alors qu’un sympathisant FN est interviewé par une journaliste, quelque part, une bibliothèque est ouverte. Ailleurs, un couple s’aime mais va tout de même consulter un conseiller conjugal.
  5. Des électeurs tentés par le FN disent « pour essayer ».
  6. Un professeur de l’Education nationale observe une corrélation entre la baisse des niveaux scolaires et l’augmentation du vote FN.
  7. « On a tout essayé. Les autres ça marche pas. »
  8. Un adhérent du FN dit avoir peur. Il n’y a pas que les autres.
  9. « Je connais quelqu’un à qui c’est arrivé. »
  10. Deux électeurs FN sont sur un bateau. L’un tombe à l’eau. Qu’est-ce qui reste ? L’autre.
  11. Un électeur du FN dit merci à deux abstentionnistes qui passaient par là.
  12. Les gens qui votent FN ont une famille.
  13. Une personne qui vote FN vient lui aussi d’une famille.
  14. Cet électeur séduit par le FN a des enfants.
  15. Ils ont honte de leur sang. Mais le sang n’y est pour rien. Sinon, un jeune en scooter et plus malin qu’une limonade ne voterait pas FN. Il dit « on fait rien pour nous. On n’a pas d’aides car y’a trop d’assistés ».
  16. Ce n’est pas bien de se moquer.
  17. Les électeurs tentés par le FN sont plus intelligents que certains objets.
  18. Il existe partout des objets.
  19. Quelque part, une personne va voter FN pour contrer un autre candidat.
  20. Au FN, ça ne les dérange pas plus que ça.
  21. Quand on écrit FN, sans point derrière chaque capitale, il faut tout de même prononcer « èffe-ènne ». Sinon ça ferait « fneu ».
  22. « Vote fneu » n’est pas un slogan qui séduirait un jeune. Sauf bien sûr s’il est moins cultivé qu’une limonade.
  23. « Avant c’est raciste. Maintenant, j’crois pas. »
  24. Le chroniqueur dans l’émission dit qu’ils plafonnent à 25 %.
  25. Quelqu’un vient d’inaugurer sa chaîne YouTube.

Paris-Dakar

Près du foyer accueillant des personnes en situation de handicap moteur, je remarque ce gars dans son fauteuil électrique
au bord du trottoir en train
d’attendre
le p’tit bonhomme passer au vert
pour traverser sur le passage piéton
en chantonnant cette chanson de Renaud
« 500 connards sur la ligne de départ… »

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E.C.

Un poème qui commence comme une blague mais qui n’est pas une blague

Trois poètes sont invités à un événement de poésie
à lire leurs poèmes. Ils trônent en un rang
de-trois-chaises placées derrière-le-micro-à-l’avant-scène
et passent l’un-après-l’autre-dans-des-sets-de-5-à-10-minutes-chacun.

Il y a comme un ancien ordre qui se déploie
quand l’un d’entre eux se lève pour aller déclamer.
Le pied de micro n’est pas réglé à sa hauteur. Il se débat, seul, contre lui.
Aucun régisseur ne l’aide.

Les deux autres à l’arrière préparent leur corps à écouter. L’un
se relâche et s’affaisse. L’autre
se raidi sur sa chaise, la main sur le menton il tend l’oreille.
Parfois les yeux se ferment, rarement en même temps.
Tout ça sur scène
dans la lumière des projecteurs
derrière celui qui lit
comme s’ils faisaient partie de son show.

_ _

E.C.

Vous avez la carte du magasin ?

Vous avez la carte du magasin ?
Ça dépend. Elle me permettrait de sortir en douce par la porte de service ?
Pas du tout.
Alors non. Je ne l’ai pas.
De toute façon, elle ne vous aurait pas non plus aidé à terminer ce poème, me dit-elle en se retournant pour arracher un sac en matière recyclée à 0,05 centimes.
Puisque vous avez le dos tourné, j’en profite pour me jeter sur vous puis vous visser mes écouteurs dans les oreilles. D’accord ? Je mets le volume à fond. Entendez l’orchestre.

Voyez ce qui me rend dingue dans ce morceau : la nappe à la dérive
qu’on entend
dès le début puis qui disparaît
brusquement à 3:00 min.
Écoutez jusqu’à la fin les clients attendront. La file va jusqu’au rayon des sirops, c’est dire.
Ce morceau peut diriger tout un monde. Un monde cartographié.
La musique, un GPS ? Vous avez quatre heures.

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E.C.  09/03/2017.

Avast poetry

Quel point commun entre ma poésie et mon ordinateur ?

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Retrouvez ici les autres « spam poetry ».

Sans titre au 06/01/2017

L’industrie de la musique et moi nous ne nous
connaissons pas Il semblerait que je sois
au-delà d’un périphérique Trop Loin
dans la province Seul en selle
des étoiles aux talons et l’estomac
sous un ciel d’éperons s’étire dans un hamac
le barman s’appelle sifflement
Il me sert de l’eau qui pique On étanche
notre soif quand on peut
comme on veut Nos joies sont du stress
que nous distribuons aux plateformes de streaming
Elles garantissent entre nous le respect
de la distance de sécurité On s’éloigne bien les uns des autres
Où sont-ils les corps dans tout
dans tous ces zéros et ces uns, hein ? Pourquoi
croyez-vous que je rêve tant de pyramides humaines ?
Où sont les corps Sont-ils ? Je travaille.
Le milieu est comme une image
sans mot sans chair sans fabrication faite main
un nuage comme une poésie française Où ?
Où sont vos corps et je cherche toujours
Le mien ne traîne pas loin.

_ _

E.C. 06/01/2017

Voyage de classe

En Irlande, nous avions quinze ans.
Une journée sur la plus grande
des Îles d’Aran au large de Galway.
Nos professeurs : « Surtout ne vous approchez pas des falaises. »
Les vélos
qu’on avait loués pour nous
nous y amenèrent déjà
sans même connaître la destination
nous pédalions
sur les chemins de pierre
entre les murs de pierre
qui enfermaient des vaches
vivantes
comme nous. Elles nous regardaient
grandir et nous essouffler
contre le vent qui nous repoussait :
« N’y allez pas, c’est dangereux »
nous soufflait-il en celtique.
« Que d’la gueule, on parle pas celtique ! »
Ça devenait de plus en plus difficile de pédaler
mais une force nous incitait à découvrir un secret.
Les derniers mètres furent les plus pénibles.
Il faisait beau. Froid, beau et chaud, toutes les dix minutes.
« Mer ! Mer à l’horizon » cria un de mes camarades.
Bordel que c’était bon. La route s’arrêta net.
Une falaise de cent mètres et devant nous
l’Atlantique.

 

Mon premier réflexe a été de mourir.
De m’abandonner. Déverser mon bric-à-brac
dans l’océan. Puis,  je suis revenu à la vie.
Tout s’est passé très vite. J’ai toujours la photo.
On me voit assis
comme sur une chaise. Les pieds dans le vide
les bras détachés du corps
comme si je priais
mon ami de se dépêcher de prendre la photo.

_ _

E.C. 17/11/2016

Le bide en vigilance orange

Une tempête
s’est abritée
en plein dans
l’estomac

hier avec
les copains on
devait juste
boire un verre

et me voilà
dans un tunnel
prêt à vo

le bide en vi-
gilance orange
gilance orange
prêt à vo

dans un tunnel
avec au bout
la bassine et
un Coca.

_ _

E.C. 22/11/2016

Revenir sur ses pas

Comme un

truc

qui fait revenir

sur ses pas

Vérifier chaque point de la liste

Être à jour dans ses vaccins

Voilà c’est ça

Un projet de vie qui consiste à être à jour dans ses vaccins.

Projet d’ambulance

Je connais un gars qui est revenu
du statut de « pote » à celui de « connaissance ».
Il s’est lancé dans son projet artistique
un groupe de musique.
Avant, nous nous voyions pour discuter. Aujourd’hui,
il communique
à coup de post, de tweet, de S.M.S ., de vidéo,
qu’il nous invite tous à partager.
Et nous le rappelle.
Sa comm’ est tellement offensive que son projet, lui, ne l’est plus.
Ses mots sont lancés loin devant. Ils ne sont déjà plus là quand il parle.
D’ailleurs, il parle de « projet », « mon projet », « écoute, c’est mon nouveau projet ».

Puisque c’est un projet, il n’existe pas. Mais tu l’as déjà ?!
Donc même si c’est un projet, je peux quand même l’écouter ?
Si je comprends bien, tu me présentes un morceau de futur ?

Et pour dire les choses franchement, le mec me saoule,
mais c’était un pote, alors il m’arrive de penser à lui,
et d’aimer les ambulances. Car on devient tous,
à un moment ou à un autre, une ambulance,
roulant à toute vitesse, un blessé à bord.

_ _

E.C. 09/11/2016.

Poème à propos d’un « check » raté

Nous nous tournons l’un vers l’autre histoire de nous saluer.
Mais pas de n’importe quelle manière
par la nôtre de manière
un check efficace et virile
puisque nous faisons tous les deux « dans la musique »
Mais ce soir, j’sais pas
l’un de nous heurte du pied un pavé qui dépasse du trottoir
si bien que le geste de nos mains allant l’une vers l’autre est bêtement déséquilibré.
Il n’y a aucun impact
juste un léger pet de mouche.

Alors peut-être qu’il allait pour me faire la bise
et qu’il a été surpris par mon entreprise de check.
Mais d’un autre côté, on se dit toujours bonjour en check
En même temps, ce soir, nous sommes en groupe et certaines fois dans le milieu on se fait la bise.
C’est ça. Il a dû faire la bise à ses amis avant moi
et dans sa lancée – pour ne pas marquer une distinction entre ses potes
il s’est spontanément penché vers moi pour me faire la bise
tandis que moi, content de le voir et focalisé sur mon idée de check

un fist bump bien senti

je lui présentai mon poing au niveau de l’épaule.
Hésitation de sa part et de la mienne par conséquent
nos regards cherchant une solution
personne n’y croyant vraiment
et puis finalement va pour le check !

Un check raté.
Complètement. Raté.

Nous nous retirons l’un de l’autre
penauds
avec un sentiment d’échec
grandissant telle une chaleur sous nos joues.

Les autres, c’est sûr, ils n’ont rien capté
mais nous
nous nous en souviendrons.

Nous continuons la soirée avec ce manqué
l’inverse d’un poids
plutôt une ondulation
qui autour de nous plane.

_ _
14/10/2016

Une histoire de tromperie

Ça me l’a fait en pédalant le long des quais.

Derrière, le ciel se couchait plus tôt que d’habitude
et moi j’avais RDV dans un bar alors
je pédalais fort pour arriver à l’heure.

La douleur a surgi
d’un coup depuis le front
jusqu’à l’arrière de ma tête
me la chauffant
me la chauffant on aurait dit
un soleil couchant.

Alors oui j’ai cru
à une rupture d’anévrisme ou quoi
un truc comme ça
à la mort qui minutieusement
montait en moi.

Au lieu de stopper net mon vélo
pour envoyer un SMS à ma copine
contempler le fleuve couler
le ciel partir et observer
ma barque solaire lentement accoster
tandis que son équipage, lui, s’affairait à l’accueil de ma personne
JE ME SUIS MIS A PÉDALER ENCORE PLUS FORT
pour sentir le mal se rependre
voir ce qui allait se passer plus loin dans la douleur

CAR
quand je veux des réponses : je me dois de vérifier

Bon… Fausse alerte.
La douleur s’est peu à peu atténuée
au niveau du pont enjambant le fleuve
pour ne finir qu’en léger Larsen dans l’oreille.
J’étais toujours vivant mais c’t’affaire m’avait bien essoufflé.
Mon corps m’a injustement trompé.
Me suis fait avoir comme un bleu clair dans un brouillard
un lundi matin de novembre dans les Dombes (01).

CONCLUSION :
Il y a quelque chose
en moi
qui n’est pas
digne de confiance.

_ _

E.C. 10 – 13 / 10 / 2016.

Salve (8 poèmes)

construire des poèmes creux
poèmes creux qui résonnent
moi-même gouttière
de falaise
de série à la mode
le milieu branché comme pas deux
ouais ouais
CREUX
JE CROIS EN CREUX
PORTE MA CROIX
SUIS UNE CLOCHE
discrète
« scrète »

dong

 

÷

 

j’apprécie le mot SALVE
je l’apprécie en majuscule
je l’apprécie en minuscule
SALVE envoie du lourd
bien qu’il soit fragile au niveau du « v »

il mérite donc qu’on s’y attarde

car si je l’écris trop vite
le « v » devient « u »
alors ça donne « salue »
et là
ça fait ronron thérapie, développement personnel, Ardèche et pantalon en lin

 

÷

 

sans dieu
ni porte-clés
cherche GPS
d’occasion et plus
si gratuité

 

÷

Capture2

÷

 

je manque SÉVÈREMENT
sévèrement
de challenge

n’ai personne
à vaincre

est-ce MAINTENANT
qu’il me faut ?

réellement écrire.

 

÷

 

entendre : « ce qui me fait peur, c’est que je crois que tu ne sais pas qui tu es »
une pensée fugace de 9 mm me traverse la tête
j’aime quand ça tire sur les faiblesses

 

÷

 

d’abord le moment
auquel nul ne résiste

on se pose sur lui
ou lui se pose sur soi

chacun sa position
son coin familier

ensuite il
ne reste plus qu’à
plus qu’à se laisser
là se faire prendre

 

÷

 

capture

 

 

 

_ _

E.C. 05-06/09/2016

San Pellegrino

en cette matinée en flammes
j’ai baissé les volets
fermé les fenêtres
me suis séparé du dehors
je ne souhaite rentrer dans rien
et rien ne doit rentrer en moi
à part le son du ventilateur
et ma San Pellegrino

_ _

19/07/2016

C’qui est dingue

C’qui est dingue
avec la vie
mon petit
c’est que la vie
elle efface la mémoire
elle va rayer de nos têtes
ce matin de merde
où ni toi ni moi
voulons nous écouter
tu sais
tu vas finir par le boire ton biberon
et ce Tee-shirt
tu vas t’le mettre
alors me prend pas la tête
arrête de chialer
comme un bébé de 9 mois
c’est bientôt l’heure d’aller à la crèche.

C’qui est dingue
avec la vie
ma belle
c’est que la vie
elle efface la mémoire
elle va rayer de nos têtes
cette soirée de merde
où ni toi ni moi
voulons nous écouter
tu sais
tu vas finir par le voir en replay
ton feuilleton
mais le match ?
un match ça se regarde en direct
en même temps que les autres humains
alors me prend pas la tête
comme j’sais pas quoi
c’est l’heure du coup d’envoi.

C’qui est dingue
avec la vie
mon pote
c’est que la vie
elle s’efface
pendant nos moments de faiblesse
elle nous laisse nous démerder
puis nous fait nous éloigner
les uns des autres
mais un jour
un coup de super glue
nous refixe tout ça
dans le désordre certes
mais au moins c’est l’occas’ de faire ensemble
un puzzle.
_ _

E.C. 16/06/16

tous ces badauds

tous ces badauds
croiser regards
prendre un bateau
sur un quai de gare
rêver si fort
s’en couper le souffle
perdre tellement
s’en couper le souffle

mettre un CD

mettre un CD
sans mettre de gants
quelques moustiques
sous un lampadaire
lampe de chevet
le jour s’achève
tousser le soir
banquette arrière

VERY DICK

(histoire vraie du jeudi 26 mai 2016)

à Frédérick Houdaer

le bus arrive à l’arrêt
les contrôleurs nous attendent
je descends vers eux un livre à la main
celui de droite me demande mon ticket puis
« vous lisez quoi ? »
je lui montre la couverture
Pardon my French un recueil de poésie
il me rend mon ticket « ah c’est très bien ça »
ah vous connai… ?
il contrôlait déjà le passager suivant
l’afflux de gens pressés m’avait éloigné de dix mètres
si seulement j’avais fraudé
nous aurions pris le temps

_ _

E.C.
Commandez ici Pardon my French de Frédérick Houdaer, éditions Les Carnets du dessert de lune, 2016.

cool et siffler

cool et siffler
alcool à brûler
école à sécher
coule la Seine
peine entrouverte
on peine à s’aimer
scène découverte
on sait se cacher

2

chewing-gum de rue

chewing-gum de rue
musique par terre
soirée parking
sans canette de bière
rideau de fer
périph’ bouché
sans connexion
les potes à l’arrière

1

extrait d’un travail en cours

Un projet commun. Mais lequel ?
Être accoudé le matin au bureau est à elle-seule une action d’avenir.
Seul dans la chambre tu manifestes.
Le trafic au-dehors te repeint la fenêtre.
Les trams et les corbeaux volent sur le même plan.
Tu es de celles et de ceux qui se foutent
de la France qui va mal.

Tu te résignes
à ne pas péter plus haut que ton cul.
Tu te trouves d’une taille suffisante.
Tes manches accomplissent chaque matin
le geste qui te couvre les bras.

_ _

E.C., extrait d’un travail en cours, avril 2016.

No Battery

Le jour où j’ai voulu rencontrer Lily Allen
elle n’est pas venue.

Sur ce banc public en warning
le temps stressé par le cœur et le trafic.

J’ai attendu longtemps envoyé
de nombreux messages par pigeon.

J’ai envoyé longtemps attendu
ses messages ses pigeons.

Mais aucune réponse mis à part
des bruits de travaux
dans ma tête et dans le bâtiment d’en face
et le signal sonore de mon baladeur.

Mon pote me dit

Mon pote me dit
« C’est trop court. T’as pourtant une vue sur le Rhône. »

C’est que les fleuves ne m’inspirent pas.
Peut-être une fois l’A7 qui passe tout près.
Si l’on considère que c’est sale pareil et qu’ça remue.
J’habite à hauteur des cimes
des arbres bordant les quais.
Pas même leurs feuilles mortes ou leurs bourgeons me font de l’effet.
Ya même des oiseaux.
Ils passent en l’air en battant des ailes
comme s’ils volaient.
Et des nuages.
Ya plein de nuages.
Et de la brume certains matins.
Et c’est joli tout plein mais
j’ai pas la libido paysagiste.
Internet m’avertit constamment que je participe à des choses.
Et la petite métropole que j’habite
se rêvant carte postale
réhabilite le quartier d’en face
à grands coups de nuits sonores et de marteau-piqueur.
Le sol se lève et le ciment pousse
comme dans une contrepèterie.
Tout gronde.
Tout est en travaux.
Tout
coule et s’entrechoque au réveil et dans le jour.
Le Grand Rhône n’est qu’une flaque.
Alors je passe la main sur mes yeux
retrouve mon visage
retourne à mon travail
qui sans effort
s’abat sur moi.